Auteur > Peter Pišt'anek
Editeur
> Fayard
Genre > contemporain, roman de mœurs
satirique
Date de parution > 1991 pour l'édition
originale , 2010 pour la présente édition
Titre original
> Rivers of Babylon
Nombre de pages >
417
Traduction > du slovaque par Michel Chasteau
(sources : Fayard)
Né en 1960, l'écrivain slovaque Peter Pišt'anek a été musicien dans un groupe de rock, a travaillé dans la publicité et a mis en ligne un magazine sur Internet. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages. Son roman Rivers of Babylon, le premier d'une trilogie, paru en 1991 en Slovaquie, a été loué pour son originalité, son inventivité et la maîtrise de son style.
Photo : © DR
Bratislava, hiver 1989-1990. Rácz, jeune paysan simple et costaud, débarque de
sa province natale en vue d’amasser le petit pécule qui lui permettra
d’épouser la grosse fille chaste du boucher de son village. Il se retrouve
employé comme unique chauffeur d’un vieil hôtel de luxe, l’Ambassador, dont le
système de chauffage repose sur d’antiques chaudières nécessitant un entretien
particulier. Très vite, le jeune homme se rend compte de l’immense pouvoir que
lui vaut désormais le rôle de «maître du feu». Allumant et éteignant le
chauffage au gré de ses humeurs, il soumet rapidement la masse grouillante des
habitants de cette nouvelle Babylone, constituée d’une faune cosmopolite et
bigarrée : service administratif corrompu, personnel servile, escrocs à la
petite semaine, prostituées aux dents longues, touristes libidineux,
ex-membres de la Sécurité d’État reconvertis en policiers corruptibles...
Commence alors l’inexorable ascension du fringant anti-héros Rácz qui, de
despote violent, se mue bientôt en démiurge omnipotent.
Mélange de roman
de mœurs satirique, fiction politique au vitriol, conte philosophique, cette
œuvre crue et burlesque, au comique dévastateur, met le doigt sur le système
perverti et corrompu qui a régné dans les pays satellites de l’URSS au
lendemain de la chute du mur.
" Au matin l'ouvrier-chauffeur se réveille avec une telle haine dans l'âme qu'il n'a même pas envie de manger."
Je dois avouer que le début du roman ne m'avait guère enthousiasmée, et m'avait fait craindre un long moment d'ennui, mais très vite, on se retrouve embarqué dans cette satire du régime totalitaire communiste et du rêve obsessionnel de certains Slovaques de devenir riches à l'instar des Européens de l'Ouest...
L'intrigue se déroule presque à huit-clos dans un vieil hôtel de luxe de
Bratislava, L'Ambassador, dans les années 1989-1990, c-a-d entre la
chute du mur de Berlin et la Révolution de velours.
D'entrée de jeu, la
stupéfaction saisit le lecteur à la découverte du fonctionnement économique
communiste complètement ubuesque : non seulement,
Donáth, le chauffagiste, effectue le travail de ses 3 autres collègues partis
depuis des années en touchant un double salaire - les 2 autres payes étant
partagées entre les employés de bureau - mais il travaille dans les sous-sols
de l'hôtel depuis 50 ans, sans en être sorti, se donnant sans compter pour son
travail, et bien sûr cette situation semble tout à fait normale au directeur
qui s'indigne même de l'ingratitude de son employé modèle quand celui-ci
souhaite prendre une retraite bien méritée !! Donáth, consciencieux
jusqu'au bout, promet de trouver et former son remplaçant. Le hasard le place
sur le chemin de Rácz, jeune paysan fruste et buté, monté en ville en vue d'amasser assez d'argent
pour marier la fille du riche boucher de son village...
C'est à la 1ère journée d'hiver que Rácz officie seul à la chaufferie, et c'est sur une parole humiliante du directeur qu'il décide de soigner son orgueil froissé en coupant le chauffage dans tout l'hôtel. Les employés, et les clients, à tour de rôle, vont descendre dans les sous-sols offrir des cadeaux à l'ouvrier afin de l'amadouer, et lui faire ainsi prendre conscience du pouvoir qu'il détient. Peu à peu, Rácz va prendre le contrôle de l'hôtel tandis que tous lui lèchent les bottes... Tous ? non, le directeur résiste toujours et encore... mais pour combien de temps ?
Peter Pišt'anek nous dépeint une faune hétéroclite, avide d'enrichissement personnel par n'importe quel moyen : menaces, prostitution, chantage, escroquerie, extorsion... tout est bon pourvu que l'argent se gagne facilement et rapidement... au risque de tout perdre ensuite en ayant été trop gourmand !
Il faut dire que le tourisme sexuel, pratiqué par des Européens de l'Ouest sans vergogne, ou tout simplement le désir de passer des vacances bon marché à Bratislava, constituent une manne pour les profiteurs de tous poils !
L'auteur aborde des thématiques sombres mais son humour dévastateur emporte tout sur son passage, tant les situations sont parfois grotesques et "hénaurmes" ; elles contribuent d'ailleurs à dédramatiser la gravité de certains sujets, même si j'ai eu un pincement au cœur pour le destin sordide qui attend Silvia et Edita dans un bordel autrichien.
Rácz, l'anti-héros du roman, est hallucinant. Son futur associé, Vidéo-Urban (peut-être le personnage le moins antipathique) le décrit en ces termes peu flatteurs :
” C'est le type le plus stupide et le plus borné que j'aie jamais rencontré. Pour l'intelligence, il en a encore moins que [ma] chaussure droite. Mais une faculté d'adaptation inimaginable. Et un prédateur. Rácz, c'est une catastrophe naturelle. Une machine à faire du fric.
(page 244-245)
En plus de cela, Rácz est, au niveau de l'habillement, top ringard. C'est aussi un rustre, complètement inculte (il est persuadé que Puccini est un peintre !!^^), mais son ascension est irrésistible, et il finit par se faire baiser la main comme le Parrain de Coppola...
Pour conclure, l'auteur nous offre une peinture complètement déjantée et cynique de cette micro-société avide de richesse et prête à tout pour l'obtenir. J'ai ri à plusieurs reprises, bien que certains passages soient vraiment noirs. Rácz est vraiment un anti-héros incroyable, détestable au possible mais tellement stupide, tyrannique et irréfrénable qu'il en devient fascinant...
Appréciation :
” Au bar de l'Ambassador, Hurensson attend un café. Ce petit pays, rempli d'un orgueil hypertrophié, artificiel et incompréhensible, est une nation de génies incompris et ignorés du reste du monde, se dit-il. Chacun ici croit valoir mieux qu'il n'en a l'air. un petit escroc qui fait le taxi au noir est persuadé d'être un artiste. Une blonde qui fait la pute n'oublie jamais de rappeler qu'elle est d'abord ballerine. Un groom contrefait aux doigts crochus cache un ex-assistant de l'ex-faculté de marxisme-léninisme. Un philosophe, comme il s'empresse de le préciser. Tout ce qu'ils font, ils ne le font que provisoirement, par nécessité. La serveuse du bar est d'humeur maussade : aucun doute, c'est qu'elle voulait être actrice autrefois. Et en être réduite à servir un café à Hurensson, quoi de plus dégradant ? Comme si Hurensson portait sa part de responsabilité dans le fait qu'elle n'ait pu monter sur les planches. Ce peuple est un peuple de sous-estimés, conclut Hurensson. Il aurait pu donner au monde les plus brillants artistes, les plus grands danseurs ou savants - c'est du moins ce qu'il prétend. Pourquoi ne l'a-t-il jamais fait ? - voilà la question.
(page 136-137)
Ma 8è participation au challenge de BouQuiNeTTe - séjour en Slovaquie
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: Sharon
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Ce billet est ma 17è participation au challenge d'Helran - cette escale compte pour la Slovaquie
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