mardi 3 juin 2014

Sains et saufs ? de Robert Kirkman & Charlie Adlard - Walking Dead, tome 03

Sains et saufs ? de Robert Kirkman & Charlie Adlard - Walking Dead, tome 03

fiche

 Scenario > Robert Kirkman
Dessin > Charlie Adlard
Trames et niveaux de gris > Cliff Rathburn
Editeur > Delcourt
Série > Walking Dead (en cours)
Genre > Comics, Horreur
Date de parution > 2005 pour l'édition originale, 2007 pour la présente édition
Titre original > Safety Behind Bars
Nombre de planches > 132
Traduction > de l'américain par Edmond Tourriol

 auteur

 

Robert Kirkman   
Robert Kirkman est un jeune mais prolifique auteur. Il se fait connaître avec la série Battle Pope qu’il publie lui-même au sein de la structure éditoriale qu’il a créé, Funk-O-Tron. Il est repéré par Image Comics qui publie BRIT et Invincible. Les films de George Romero lui inspirent différents scénarii de comics basés sur des histoires de zombies, dont The Walking Dead. Il puise dans ses souvenirs de jeunesse pour le scénario de sa série Invincible. Les aventures de ces superhéros adolescents sont un immense succès et deviennent l’un des fleurons de l’éditeur Image Comics.
Texte et photo © Delcourt
Site de l'auteur -

Charlie Adlard

 

Né en 1966 à Shrewsbury (Angleterre), Charlie Adlard part dans le Kent pour étudier aux Beaux-Arts de Maidstone. Après un bref passage à Londres pour devenir une rock star, il rentre chez lui pour se remettre au dessin, domaine dans lequel il sera très vite remarqué. Il dessine pour de nombreux éditeurs : Mars Attack et X-Files chez Topps, X-Men Hellfire Club, Storms et Muties chez Marvel, Batman/Scarface, Green Arrow/Lantern, Batman and Superman chez DC, The Walking Dead chez Image,… En janvier 2009, c’est aux Éditions Soleil que paraît sa première collaboration avec un scénariste français, Mathieu Missoffe, en dessinant le cinquième one shot de la collection «Terres Secrètes», Corpus hermeticum : Le Souffle du Wendigo.
Texte et photo © Soleil 
site du dessinateur -

quatrieme de couverture

 LE MONDE TEL QUE NOUS LE CONNAISSONS
A DISPARU.
DEFINITIVEMENT 

Rick et son groupe de survivants quittent les abords d'Atlanta en quête de l'abri qui les protégera des attaques incessantes de morts-vivants.
La chance leur sourit lorsqu'ils trouvent sur leur chemin un immense pénitencier laissé à l'abandon. Du moins, le pensent-ils... car une fois les alentours nettoyés, ils rencontrent les occupants de la prison. 

 avis personnel

Rick et son groupe décident de s'installer dans un pénitencier qui a l'air à l'abandon et dont les hautes clôtures leur assureraient une grande sécurité contre les attaques de zombies, mais ils doivent auparavant le nettoyer des nombreux rôdeurs qui y ont élu domicile. Ils ont la surprise de découvrir à l'intérieur 4 survivants ainsi qu'une immense réserve de nourritures. Malheureusement, il s'avère que ces derniers sont en fait des détenus abandonnés là par leurs gardiens.
Rick décide de ramener à la prison Hershel et sa famille, qui ne sont plus en sécurité à la ferme laquelle subit depuis l'approche du printemps des vagues d'attaques de zombies de plus en plus rapprochées...

Après une 1ère partie plutôt légère (mention spéciale à l'humour irrésistible de Tyreese et son duo complice avec Rick) où les rescapés, tous à la joie de leur installation dans cette planque apparemment sûre, se détendent enfin et baissent leur garde, la violence finit par les rattraper, exacerbant les tensions, la paranoïa et la folie, lézardant la frontière de plus en plus ténue entre le bien et le mal.

Le lecteur commence à prendre conscience des séquelles que leur vie précaire et sans cesse menacée ont laissé sur leur mental au moment où se posent les dilemmes moraux et éthiques. Quelle genre de société veulent-ils construire ? Avec quelles règles ?
Suite à deux meurtres monstrueux, Rick impose au groupe choqué le "Tu tues, tu meurs".
Mais les décisions du shérif, jugées arbitraires par certains, sont de plus en discutées ; il faut dire qu'il a parfois un comportement bipolaire, basculant d'un enthousiasme délirant à une colère incontrôlable, provoquant même la peur chez les ex-prisonniers !

 Ecoute bien. Ces connards ne sont pas nos amis. Putain, ils sont pas normaux. Ils sont barges. Pour eux, on menait la grande vie à la cafète. Ce qu'ils ont vécu, dehors, dans le monde... ça les a complètement niqués. Là, ils s'entretuent et ils nous accusent.
(Dexter, page 97)

Si le comportement des zombies est somme toute prévisible, il en va autrement de celui des hommes qui représentent finalement la plus grande menace pour leurs semblables...

Ce tome 3 d'ailleurs se finit sur un cliffhanger de folie...

Concernant les zombies, les rescapés font la terrifiante découverte qu'il ne suffit pas d'être mordu ou griffé pour en devenir un, mais que la mort suffit à les transformer. Les morts-vivants, ce sont eux, les humains !

Nous sommes tous morts... Toi, moi, Carol, Lori, Dale... Tout le monde.
(Tyreese, page 90)

Du côté des illustrations, c'est toujours la même déception. Plusieurs personnages masculins se ressemblent si bien que l'on a parfois beaucoup de mal à les reconnaître...

Pour conclure, un tome qui se révèle plus haletant et plus surprenant que ce que le début, apaisant, laissait envisager. La violence et les tensions montent encore d'un cran, et la complexité des relations entre les personnages s'intensifie.

  - On s'entend bien, ouais... Mais est-ce que tu as vraiment envie de passer le restant de tes jours avec un vieux croulant comme moi ?Il me reste encore combien de bonnes années ?
     - Des bonnes années ? Aucune. Plus personne n'aura de bonnes années. Et si tu parles d'espérance de vie... Je pense qu'on est tous à peu près à égalité. C'est quoi, la moyenne, ici ? Six mois ? Un an ? On va tenir combien de temps à ce rythme ?
(Dale & Andrea, page 83)

Bilan de ce tome :
Glenn réintègre le groupe et Hershel ainsi que sa famille (6 membres) les rejoignent
4 ex-taulards cohabitent avec eux
5 morts dont  4 membres du groupe

Différences entre comics/série (attention, spoiler

♦ dans la série, la coexistence avec les ex-taulards est moins développée : il n'y a pas de serial-killer, les taulards dangereux sont rapidement exécutés
♦ le tome 3 des comics correspond grosso modo aux épisodes 1 et 2 de la saison 3
♦ Rick, Hershel et le reste du groupe arrivent tous ensemble à la prison dans la série
♦ la disparition de Carol au sein du pénitencier est spécifique à la série
♦ Hershel ne perd pas sa jambe dans le comics
♦ dans le comics, un pacte suicidaire est conclu entre Chris et Julia, alors que dans la série, c'est à la fin de la saison 1, que certains membres du groupe choisissent d'en finir avec la vie : Jaqui et Andrea qui finalement en est empêchée par Dale
♦ la découverte sur le fait que tous les vivants sont infectés par le virus et se transforment à leur mort se fait à la fin de la saison 1 lors d'une conversation entre Rick et le Dr Jenner, puis vient à la connaissance des autres membres du groupe au cours de la saison 2
♦ les dissensions entre les membres du groupe à propos de la peine de mort intervient dans la saison 2 de la série avec les épisodes avec Randall tandis que dans le comics les rescapés se déchirent sur le sort à réserver à Thomas, le psychopathe.
♦ dans la série, Andrea a été séparée du reste du groupe à la fin de la saison 2 et survit grâce à sa rencontre avec Michonne (qui n'apparaît pas dans le tome 3 des comics)
♦ dans la série, Patricia et Otis sont morts lors de la saison 2

 

Appréciation :

note : 5 sur 5

Mes autres avis sur la saga : tome 1 ♦ tome 2 ♦ tome 3 ♦ tome 4tome 5tome 6tome 7tome 8tome 9 ♦  tome 10tome 11tome 12 ♦ tome 13 ♦ tome 14 ♦ tome 15tome 16 ♦  tome 17 ♦ tome 18

extrait

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divers

 

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lundi 2 juin 2014

La Chronique de Travnik d'Ivo Andrić

La Chronique de Travnik d'Ivo Andrić

Fiche détaillée

  Auteur > Ivo Andrić
Editeur > Belfond
Genre > Classique, historique
Date de parution > 1942 pour l'édition originale , 1997 pour la présente édition
Préface > Paul Garde
Titre original > Travnička hronika
Nombre de pages > 511
Traduction > du serbo-croate par Pascale Delpech

auteur

 

Ivo Andrić
photographie©Stevan Kragujević
Ivo Andrić est né à Travnik en 1892 .
Il prit une part active au mouvement national yougoslave, connut la prison et l'exil. Après une carrière de diplomate, il se consacra à son oeuvre. Avec La Demoiselle et Le Pont sur la Drina, La Chronique de Travnik est considérée comme l'un des romans majeurs des littératures slaves contemporaines. Prix Nobel de littérature en 1961, Andrić fut l'un des personnages clés de son époque et de son pays.
Il est mort à Belgrade en 1975.

quatrieme de couverture

Travnik : une petite bourgade perdue dans les montagnes de Bosnie, que rien ne destinait à entrer dans l'Histoire. Un coin de terre oublié, sous domination ottomane depuis trois siècles, où cohabitent tant bien que mal musulmans, catholiques, juifs et orthodoxes. A la faveur de l'épopée napoléonienne, un diplomate français, Jean Daville, est envoyé à Travnik pour y ouvrir un consulat. Voici le récit de son séjour là-bas - de 1806 à 1814 - l'occasion pour Andric de nous offrir un somptueux tableau de sa terre d'origine au moment où, pour la première fois, elle s'ouvre à l'Occident.
Comment évoquer mieux que lui le "silence bosniaque", "l'indolence turque", le "virus oriental", la rencontre des cultures et des religions, la sensualité et le raffinement alliés à la cruauté et à la violence ? Un monde où tradition et modernité s'affrontent dans une extraordinaire galerie de portraits : les personnages locaux - le vizir et sa cour, les notables bosniaques, le crieur public, le distillateur de rakia; les étrangers, comme la femme du consul d'Autriche, hystérique et fantasque, ou celle du consul de France, travailleuse et posée; les "déclassés", ces Européens vivant dans le Levant, personnages pathétiques et hauts en couleur. Et surtout, le consul solitaire et vieillissant, abandonné par sa capitale, dont les doutes et les désillusions ne sont peut-être pas si étrangers à Andrić, qui écrivit cette chronique, en 1942, dans Belgrade occupé.

Au carrefour du roman historique, du récit intimiste et de la description ethnographique, La Chronique de Travnik est aussi une réflexion - d'une brûlante actualité - sur les méfaits de l'intolérance et des rivalités entre communautés.

première phrase

"Tout au bout du bazar Turc de Travnik, en contrebas de la source ombragée et bruyante du Šumeć, depuis toujours existe le petit café de «Lutva»."

avis personnel

La Chronique de Travnik retrace  la vie quotidienne et les déboires diplomatiques du consul français Daville envoyé en 1806 à Travnik, petite ville de Bosnie alors sous domination ottomane. Il vit son arrivée comme un véritable choc des cultures :  effaré par la brutalité du pouvoir en place et par l'état d'arriération du pays, il se sent complètement dépassé par la complexité des codes protocolaires, et isolé dans ce pays hostile à toute présence étrangère. D'ailleurs, le trajet qui le mène de son ambassade au Konak pour y être présenté au vizir Mehmet pacha s'effectue sous les jurons et les crachats.
C'est donc avec soulagement qu'il apprend l'arrivée prochaine d'un secrétaire, le jeune des Fossés, pour le seconder dans sa mission. Malheureusement, leur caractère se révélant incompatible, Daville devra renoncer au réconfort moral qu'il escomptait de leur collaboration.
En effet, le jeune des Fossés, parfaite incarnation de l'esprit de la Révolution, est toujours parti par monts et par vaux, à se mêler à la population et à s'imprégner de son histoire. Contrairement à Daville, il fait montre d'ouverture d'esprit, ne condamne pas l'immobilisme du pays mais cherche à en comprendre les raisons :

L'inébranlable des Fossés affirmait que ces régions, bien qu'endormies et coupées du monde, n'étaient pas un désert, mais constituaient au contraire un monde varié, intéressant de tous points de vue et pittoresques à sa façon; le peuple était, certes, partagé entre trois confessions, terriblement superstitieux, soumis à la pire administration au monde et de ce fait très en retard et malheureux, mais il était en même temps riche de trésors spirituels, de particularités intéressantes et de coutumes insolites ; en tout cas, cela valait la peine de faire un petit effort... (page 148)

 Daville, désabusé, considère le peuple bosniaque comme arriéré et animé d'une malveillance innée, et se réfugie dans l'écriture d'un  poème épique dédié à Alexandre le Grand pour oublier les nombreux tracas de sa fonction et l'inutilité de ses rapports.

Les jours se suivent, monotones et ennuyeux, dans cette ville isolée du reste du monde de par la volonté même de ses habitants. Réfractaires à l'ouverture de leur pays à l'étranger, les autochtones, qu'ils soient chrétiens comme musulmans, ont sciemment négligé l'entretien des voies de communication : les chrétiens pour décourager les Turcs officiels de venir, les musulmans pour limiter toute influence occidentale.
Malgré tout, quelques échos des événements en Europe parviennent jusqu'aux oreilles des consuls français et autrichien (et par ricochet jusqu'à celles du lecteur) : là, une victoire militaire de Napoléon, là, une rébellion en Serbie, ici, l'assassinat de Selim III à Istanbul.

Durant 8 années, Daville voit défiler 2 consuls autrichiens, 1 secrétaire français, 3 vizirs dont le dernier fait régner la terreur parmi les fonctionnaires et la population, des aventuriers de tout poils qu'il soupçonne d'être des espions stipendiés par l'Autriche...
A chaque destitution de vizir, éclate une révolte de plusieurs jours, fermentant la haine envers les Français : leurs domestiques sont molestés, on refuse de leur vendre de la nourriture, puis tout finit par rentrer dans l'ordre, "comme au lendemain d'une beuverie" (page 191).

Les faits les plus banals de la vie quotidienne s'égrènent sans passion dans cette chronique, à peine dérangés par le tumulte de quelques émeutes, et pourtant, à aucun moment l'intérêt du lecteur ne faiblit, soutenu par les différents points de vue que dresse l'auteur sur cette contrée inhospitalière, aux hivers rudes et glacés, ou les portraits des divers protagonistes.

Le consul autrichien Von Mitterer, envoyé par son pays à Travnik, quelques mois après Daville pour y contrer l'influence de ce dernier, partage les mêmes sentiments que lui vis-à-vis de ce pays, la même mélancolie ; ils s'estiment sans pouvoir se l'avouer, s'épient pour le compte de leur patrie respective, se rendent malade des efforts mesquins qu'ils déploient pour se neutraliser l'un l'autre.
Mais finalement, la solidarité resurgit quand le deuil ou une naissance frappent l'une des familles.
Les scènes avec Anna-Maria, la femme du consul autrichien, sont également drôles : c'est une femme fantasque et nerveusement détraquée, qui se déclare pro-bonapartiste, mettant ainsi dans l'embarras son époux ; elle fait également tourner la tête du jeune des Fossés sans jamais lui céder, désespérée de découvrir chez lui "ses véritables intentions" au lieu de l'" élan platonique et spirituel" qu'elle avait fantasmé...(page 125)
Tandis que Mme Daville, femme pragmatique et dévouée à sa famille et ses 4 enfants, provoque au contraire l'admiration secrète des Bosniaques pour son courage et sa piété.
C'est donc à travers les yeux de ces expatriés que sont dépeints les rapports et la coexistence difficile des différentes communautés de la ville (musulmane, juive, orthodoxe, catholique), qui se vouent un mépris et une méfiance profonds, et s'excluent mutuellement.
Des Fossés donne d'ailleurs une vision prophétique de l'avenir de la Bosnie, dont les habitants sont incapables de construire leur vie commune sur la base de la tolérance, la compréhension et l'estime mutuelles:

 ... un jour ou l'autre la liberté devra bien venir aussi dans ces régions. On sait cependant depuis longtemps qu'il n'est pas suffisant d'acquérir la liberté, mais beaucoup plus important de devenir digne de cette liberté. Sans une éducation plus moderne et des conceptions plus libérales, vous ne gagnerez rien à être libérés du joug ottoman. Au cours des siècles, votre peuple, s'est tellement assimilé à ses oppresseurs que cela ne lui servira pas à grand-chose si les Turcs l'abandonnent vraiment un jour, en lui laissant, en plus de ses propres tares, tous leurs vices : la paresse, l'intolérance, l'esprit de violence et le culte de la force brutale. Ce ne serait pas une libération, en fait, car vous seriez indignes de la liberté et incapables d'en jouir, et, à l'instar des Turcs, vous ne sauriez qu'être asservis ou asservir les autres. Il n'y a pas de doute que votre pays, lui aussi, sera un jour intégré à l'Europe, mais il se pourrait bien qu'il y entre divisé et ployant sous l'héritage de conceptions, d'habitudes et d'instincts qui n'existent plus nulle part ailleurs et qui, tels des spectres, l'empêcheront de se développer normalement et en feront un monstre archaïque, la proie de tous comme il est aujourd'hui celle des Turcs. Pourtant ce peuple ne mérite pas cela.
(page 352)

Au milieu de ces quatre communautés en vit une autre, encore plus méprisée, celle des Levantins, ces Occidentaux déclassés, considérés comme des parias et traités comme tels, "poussière humaine" ballotée entre l'Orient et l'Occident dont ils constituent "le troisième monde où se sont retrouvées toutes les malédictions dues au partage de l'humanité en deux mondes".
Des Fossés est touché par la conversation qu'il a avec l'un de ses représentants, l'obscur médecin Cologna, plein de sagesse et de résignation :

 Oui, Monsieur, vous pouvez comprendre cette vie qui est la nôtre, mais pour vous elle n'est qu'un mauvais rêve. En effet, vous vivez ici, mais vous savez que cela est provisoire et qu'un jour ou l'autre vous retournerez dans votre pays pour y retrouver une vie plus facile et plus digne. Vous vous réveillerez de ce mauvais rêve et vous en libérerez, mais nous pas, jamais, car il est la seule vie que nous ayons.
(page 317-318)

Ce vieillard digne vit dans l'espoir et la conviction que "pas une pensée humaine ne se perd, pas un élan de l'esprit. Nous sommes tous sur le bon chemin, et nous serons surpris lorsque nous nous rencontrerons. Mais nous nous rencontrerons, et nous nous comprendrons tous, où que nous allions maintenant et aussi loin que nous nous égarions. Ce sera une joyeuse rencontre, une surprise grandiose et salvatrice."

Car La Chronique de Travnik n'est pas seulement la fresque d'un monde sombre, étouffant et cruel, c'est également une ode à la tolérance, dans laquelle, au-delà des différences culturelles et des clivages religieux, les hommes se souviennent, parfois, de l' humanité qu'ils ont en partage.
Quand Ibrahim pacha, le 2è vizir, est destitué, il laisse tomber le masque rigide du protocole pour exprimer toute l'amitié affectueuse qu'il ressent à l'égard d'un Daville éberlué.
De même, le consul français, lorsqu'il se retrouve démuni au moment de repartir pour la France, reçoit l'aide financière du vieux juif Salomon Atijas, dont la communauté vient pourtant d'être rudement mise à l'amende par le 3è vizir, Ali pacha, un homme cruel et brutal. Il faut dire que Daville a été le seul à s'inquiéter du sort des juifs emprisonnés lors de sa prise de fonction et à user de son influence pour les faire libérer ! D'ailleurs, le vieux Salomon lui exprime sa reconnaissance dans un discours véritablement poignant :

 Monsieur, vous avez vécu plus de sept ans ici parmi nous et vous avez pendant tout ce temps montré pour nous de l'attention comme ne l'avaient jamais fait ni les Turcs ni aucun autre étranger. Vous nous avez traités en êtres humains, sans nous distinguer des autres gens. Peut-être ne savez-vous pas vous-mêmes quelle bonté vous nous avez prodiguée. Maintenant, vous partez. Votre empereur a été contraint de céder devant des ennemis plus puissants. Votre pays connaît des événements tragiques et de grands bouleversements. Mais votre patrie est un pays noble et puissant pour lequel les choses ne peuvent que bien se terminer.  Vous aussi vous y trouverez votre chemin. C'est nous qui sommes à plaindre, nous qui restons ici, cette poignée de juifs séphardims de Travnik dont les deux tiers sont des Atijas, car vous avez été une source de lumière pour nos yeux. Vous avez vu la vie que nous menons, et vous nous avez fait tout le bien qu'un homme peut faire à un autre homme. Mais on attend de celui qui fait le bien qu'il en fasse toujours plus. Aussi, nous nous permettons de vous faire encore une demande : soyez notre témoin dans cet Occident d'où nous sommes nous aussi venus et qui devrait savoir ce que l'on a fait de nous. En effet, il me semble que si nous savions que quelqu'un n'ignore pas et admet que nous ne sommes ni tels que nous semblons être, ni faits pour la vie que nous menons ici, il nous serait plus facile de supporter tout ce que nous devons supporter.
(page 499-500)

Pour conclure, cette lecture a été dense et ardue. J'ai avancé lentement dans cette histoire où il ne se passe grand chose, mais paradoxalement, je l'ai trouvée passionnante et très instructive. C'est une fresque chaotique et grandiose, préfigurant le destin tragique de ce pays où les 4 communautés condamnées à vivre ensemble semblent irréconciliables. Certains passages, où l'auteur laisse parler tout son humanisme, sont véritablement bouleversants.
Je me rends compte que j'avais encore plein de choses à dire sur ce roman, tant pis ! En tout cas, je remercie BouQuiNeTTe pour l'organisation de ce challenge sans lequel je n'aurais  jamais pensé à emprunter ce livre à ma médiathèque !    

                                                                                           Appréciation :                                                                                                                                                                                                       

note : 4 sur 5                                                                                            

extrait

Les lèvres de la jeune fille - rouge pâle, étranges, puissantes et parfaitement identiques l'une à l'autre - s'étirèrent lentement à leurs extrémités en ébauchant un sourire implorant et chagrin, mais la jeune fille baissa aussitôt la tête et se serra contre lui, muette et docile comme l'herbe et la branche. «Végétale...», pensa-t-il encore une fois, mais ce qui ployait contre lui était une créature humaine, une femme attendrie jusqu'à la douleur, avec une âme qui hésitait encore, mais se résignait déjà à céder et à se perdre. Les bras pendants et impuissants, la bouche entrouverte et les yeux mi-clos, elle semblait défaillir. Au-dessus de lui, autour de lui, elle se pâmait d'amour, de la volupté que l'amour promet et de l'efroi qui l'accompagne ici comme une ombre. Ployée, fauchée, terrassée, elle offrait l'image de la soumission totale, de l'impuissance, de la défaite et du désespoir, mais aussi d'une grandeur insoupçonnée. Le jeune homme fut emporté par l'ardeur de son sang, par un sentiment de grand bonheur et d'un triomphe irrésistible. Des horizons infinis s'allumaient et s'éteignaient en lui, comme des étincelles. Oui, c'était cela ! Il avait toujours pressenti et si souvent affirmé que ce pays pauvre, austère et abandonné était en fait riche et somptueux. Voilà qu'une de ces splendeurs cachées se révélait.
(page 222)

divers

La pourpre et l'or - Murena T1 - de Dufaux et Delaby  

Ma 31ème participation au challenge de Lynnae -

Challenge "Un classique par mois"

Le  classique du mois de juin pour le challenge organisé par Stephie.

Challenge "Virée européenne" organisé par BouQuiNeTTe

Ma 1ère participation au challenge de BouQuiNeTTe - séjour en Bosnie
D'autres billets sur la Bosnie : livraline ♦ mistigris ♦ Helran ♦ Salhuna ♦ Nnyl ♦ Sharon ♦ Vepug ♦ delphinema09 ♦ klo ♦ BouQuiNeTTe

le tour du monde en 8 ans

Ce billet est ma 11è participation au challenge d'Helran - cette escale compte pour la Bosnie

 

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samedi 31 mai 2014

Les valets du roi de Mireille Calmel - Lady Pirate, tome 1

Les valets du roi de Mireille Calmel - Lady Pirate, tome 1

Fiche détaillée

Auteur > Mireille Calmel
Editeur > France Loisirs
Genre > Historique (XVIIè siècle)
Date de parution > 2006
Nombre de pages > 427

auteur
(sources : Fnac)

Mireille CalmelMireille Calmel, née Mireille Claire Rouchon, est un écrivain français née à Martigues le 8 décembre 1964.
Lorsque, à l’âge de 8 ans, elle tombe gravement malade et est déclarée perdue, Mireille commence à écrire, par besoin d’extérioriser sa peur, mais aussi parce qu’elle croit profondément que tant qu’elle écrira, elle ne mourra pas.
Et inexplicablement, la maladie régresse. Peu à peu, Mireille reprend des forces, recommence à marcher. Elle travaille avec acharnement ses cours par correspondance, sans jamais cesser d’écrire : 250 poèmes, des chansons, un roman… Ce n’est qu’à quinze ans qu’elle retrouve une vie pleinement normale. Elle ne pense plus qu’à écrire, lire, chanter, vivre à tout prix.
Elle écrit des chansons, des nouvelles, des pièces de théâtre, dont l’une destinée aux adolescents sera couronnée d’un prix, chante dans les bals populaires, organise un festival de théâtre, monte des spectacles sur différentes scènes à travers la France…
En 1995, elle dépose un dossier d’insertion et obtient le RMI pour écrire ce qui deviendra Le lit d’Aliénor. Cinq ans après, elle envoie son manuscrit à Bernard Fixot, avec qui elle signe son premier contrat. Et c’est le succès : plus de 100 000 exemplaires vendus en librairie en France, 800 000 exemplaires vendus dans le monde… Deux ans après, les héroïnes de son Bal des Louves rencontrent le même engouement auprès du public.
Aujourd'hui, ses livres sont publiés dans une quinzaine de pays européens et elle compte plus de 11 millions de lecteurs.

quatrieme de couverture

Londres, 1696. Déguisée en garçon depuis son enfance pour recevoir une éducation, Mary garde ses habits masculins quand elle doit se débrouiller seule, après l'assassinat de sa mère. Le sort semble s'acharner contre elle lorsque le bateau sur lequel elle a trouvé refuge est attaqué par des corsaires. C'est pourtant son destin qui se joue ce jour-là. Tombée sous le charme de Claude de Forbin, le capitaine, elle découvre l'exaltation des joutes - maritimes et amoureuses... Mais sa nature féminine l'empêche de rester sur le navire. C'est à la cour du roi Jacques, à Saint-Germain-en-Laye, que ses aventures vont continuer. Intrigues de palais et complots se trament, au sein desquels Mary ne perd jamais de vue son but : percer le secret d'un pendentif qu'elle a volé à son oncle. Cela la mènera bien plus loin qu'elle ne pouvait imaginer.

première phrase

"- Qui suis-je, mère ?"

avis personnel

Conseillée par ma binômette Missie, j'avais entrepris la lecture de ce tome lors du challenge "Week-end à 1000" ; je connaissais déjà l'auteure à travers son livre Le lit d'Aliénor, dont le mélange roman historique/éléments de fantasy ne m'avait guère convaincue à l'époque. Cependant, l'avis enthousiaste de Missie sur ce diptyque-là m'a encouragée à retenter ma chance avec l'auteure (d'autant que Missie connaît mon goût pour les histoire de pirates !)

Bref, Lady Pirate retrace donc la biographie romancée de Mary Read, l'une des plus célèbres femmes pirates ayant sévi dans les Antilles au début du XVIIIè siècle. Dans ce 1er tome, on s'attache à son histoire, de son enfance aux 1ères années de son mariage. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Mary Read a mené une vie peu banale, défiant les conventions sociales, ainsi que la place normalement dévolue aux femmes.

 Si j'ai adoré la 1ère partie du livre, presque aussi enlevée que les romans de cape et d'épées de mon adolescence (mention spéciale aux joutes verbales entre notre héroïne et l'alerte corsaire français Claude de Forbin) , je me suis malheureusement sentie désappointée par la suite de plus en plus décousue de l'intrigue.
On a en effet l'impression que l'auteure part un peu dans tous les sens en multipliant les situations improbables et/ou inutiles au récit (Emma de Mortefontaine livre rapidement ses secrets à Mary, alors qu'elle la connaît à peine ; le mystère du trésor de Moctezuma est abracadabrantesque ; l'entrée de Mary au service d'espionnage du roi Jacques est inutile à l'histoire ; les moyens de son retour en Angleterre après le bombardement de Dunkerque apparaissent peu crédibles ainsi que la manière trop facile dont Emma soutire des informations primordiales auprès des Dumas ...) Bref, certaines données de l'intrigue sont traitées trop superficiellement ou trop rapidement, tandis que les personnages sont trop peu fouillés pour que l'on s'y attache réellement (excepté Claude de Forbin et son bras droit Corneille que j'ai beaucoup aimés ; dommage qu'ils disparaissent rapidement de la vie et des pensées de Mary, aussi rapidement qu'elle a succombé à leurs charmes !sarcastic).

En outre, Mireille Calmel introduit des éléments fantastiques que j'ai trouvés complètement vains car l'histoire véritable de Mary se suffisait à elle-même.

Pour conclure, malgré un début prometteur et une idée de départ intéressante, j'ai été déçue par le caractère poussif ou invraisemblable de certaines scènes ; je trouve que certains choix narratifs de l'auteure gâchent vraiment le potentiel de cette histoire, qui au final est mal exploitée... Mais je remercie Missie de m'avoir donnée envie de donner une chance à ce roman car les 200 premières pages ont été un régal pour moi. Je continuerai avec le tome 2 , d'autant qu'il se situe dans la mer des Caraïbes, et que ce sont les passages à bord du navire du corsaire français qui m'ont enchantée dans ce premier tome... Je garde donc bon espoir pour la suite...^^

Appréciation :

note : 2 sur 5

extrait

  En cet instant, elle ne savait plus. Forbin était déroutant, charmeur, piquant, sensuel et... A quoi bon chercher des excuses à sa faiblesse ? Elle sentait bien que cet homme serait d'importance dans sa vie, tout comme Emma. Il avait beaucoup à lui enseigner. Et Mary avait soif d'apprendre, comprenant qu'elle ne pourrait s'élever qu'à ce prix.
A moins, comme Emma, d'épouser un gentilhomme qui l'anoblirait.
Inconscient de son calcul, Forbin s'apaisa et s'excusa :
- Pardonnez-moi, Emma. Je suis un malappris. J'ai pour ma défense un sang noble que trop de mauvaise fortune a rendu impétueux et ironique. J'ai grandi déchu de mes droits, et ce que je suis devenu, c'est à la seule force de ma détermination et de mon instinct que je le dois. (page 115)

divers

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samedi 24 mai 2014

Le Félin géant de J.H. Rosny aîné - Roman des âges farouches

Le Félin géant de Rosny aîné - La guerre du feu, tome 2

Fiche détaillée

 Auteur > Rosny aîné
Editeur > Ebooks libres et gratuits
Genre > roman classique, préhistoire
Date de parution > 1918 pour l'édition originale , 2009 pour la présente édition
Format > ePub
Poids du fichier > 1024 Kb (119 pages)

auteur
(sources : Wikipédia)

J.H. Rosny aînéJ.-H. Rosny aîné, pseudonyme de Joseph Henri Honoré Boex, né le 17 février 1856 à Bruxelles et mort le 15 février 1940 à Paris, est un écrivain belge, un des grands fondateurs de la science-fiction moderne.
Après une enfance passée à Bruxelles, il suivit des études scientifiques touchant autant aux mathématiques qu'à la physique-chimie et aux sciences-naturelles. Il partit pour Londres en 1874, où il se maria. En 1885, il s'installa à Paris. Il commença alors d'écrire et de publier, avec son frère, sous le pseudonyme de J.-H. Rosny. Leur premier ouvrage, Nell Horn de l'armée du Salut (1886), est influencé par le naturalisme. Il fut l'un des signataires du fameux Manifeste des cinq, critiquant Émile Zola. En 1887, il fit paraître Les Xipéhuz, dont l'action se déroule dans une lointaine préhistoire et voit se rencontrer humains et intelligence non-organique (certains commentateurs récents parlent d'extraterrestres, mais rien dans la nouvelle ne permet de prétendre que cette vie minéralo-électrique provient d'ailleurs que de la Terre). Rosny partagera d'ailleurs son « œuvre fantastique » entre récits de science-fiction (dont le terme n'existe pas encore) et récits préhistoriques, comme Vamireh (1892, considéré comme le premier véritable roman préhistorique) et surtout La Guerre du Feu (1911). En 1899 il publie dans la Revue Blanche un roman sur les mœurs théatrales, La fauve (1899). C'est en 1897, que J.-H. Rosny est nommé chevalier de la légion d'Honneur.
Ses œuvres de « science-fiction » les plus connues comprennent Le Cataclysme (1888, repris en 1896), Un Autre Monde (1895), La Mort de la Terre (1911), La Force mystérieuse (1913), Les Navigateurs de l'infini (1925). Il reçut la Légion d'honneur en 1897. En 1908, les frères Rosny cessèrent de publier conjointement : Joseph-Henri signa dès lors « J.-H. Rosny aîné », et Séraphin-Justin « J.-H. Rosny jeune ».
Proche d'Edmond de Goncourt, il fit partie de l'Académie Goncourt lors de sa création en 1903, tout comme son frère. Il en sera président de 1926 à 1940, date à laquelle Rosny jeune prend sa succession.

quatrieme de couverture

Dans les temps préhistoriques, Aoûn et Zoûhr quittent leur pays, leur tribu, pour découvrir de nouvelles contrées. Ils rencontreront des animaux inconnus, de terribles ennemis et de nouveaux amis. Au terme de ces rudes aventures, vaincront-ils?...

première phrase

"Aoûn, fils de l’Urus, aimait la contrée souterraine."

avis personnel

Le Félin géant est tout d'abord le roman d'une belle amitié, celle qui lie Aoûn, le fils de Naoh (eh oui, vous ne rêvez pas, enfin pour ceux qui connaissent, mais Aoûn est le rejeton de l'inoubliable héros de La guerre du feu ! ) à Zoûhr le Wah, dernier représentant de la race des Hommes-sans-Epaules.

Leur amitié était profonde. Il n’y avait jamais entre eux aucune cause de colère ni de rancune : chacun trouvait chez l’autre des ressources qui lui manquaient. La force d’Aoûn rassurait Zoûhr et l’émerveillait ; Aoûn aimait la ruse de Zoûhr et les secrets qu’il tenait des Hommes-sans-Épaules. (page27-28)

Ils partagent également le même goût pour l'aventure, ce qui les conduit à quitter leur tribu, les Oulhamr, pour explorer de nouveaux territoires de chasse. Ils découvrent une région giboyeuse où les félins de toutes sortes règnent en maîtres. Blessés par un machairodus (si ce terme vous paraît abscons, c'est normal, il désigne une race de tigres à dents de sabre aujourd'hui disparus !sarcastic), ils trouvent refuge dans une caverne où ils ne tardent pas à s'apercevoir qu'un lion des cavernes  a élu domicile dans la deuxième partie de la grotte. Une fente infranchissable les en protège tandis qu'au fil des jours, hommes et bête s'habituent à leur présence respective... jusqu'à ce que l'impensable se produise !

Le Félin géant de J.H. Rosny aîné - Roman des âges farouches
Aoûn et Zoûhr face au lion des cavernes©Lectures pour tous n°17 du 1er juin1918

Roman d'amitié, roman d'aventures, l'histoire retrace la lutte impitoyable pour la survie de ces hommes primitifs dans un environnement hostile, le développement des sentiments nobles comme l'amour, l'amitié, la pitié. Les descriptions sont d'une rares justesse, servies par une plume magnifique au vocabulaire riche et très évocateur : on ressent toute la puissance de cette animalité qui menace l'humanité à son aube, la fragilité de ces hommes qui évoluent dans une nature intacte où le danger rôde sans répit, leur humilité mêlée d'orgueil face à ce décor grandiose et terrifiant.

Le Félin géant de J.H. Rosny aîné - Roman des âges farouches
fuite devant les Chelléens©éditions G.P. 1980

 Aoûn et Zoûhr entendaient le battement de leurs poitrines. Une vie sans borne était là, d’où ruisselait toute la fécondité de la terre ; le sort des hommes tenait aux flancs noirs des basaltes, aux pics de granit, aux coulées de porphyre, aux gorges où hurlait le torrent et aux vallées douces où la source chantait d’une voix tendre ; il tenait aux armées du sapin et aux légions du hêtre, aux pacages apparus dans les crénelures, aux glaciers perdus parmi les cimes, aux moraines désertiques... (page 5-6)

L'auteur dépeint à merveille la vie nocturne et diurne, les rumeurs de la savane, les sens toujours en éveil des "bêtes verticales" pour échapper aux prédateurs plus puissants qu'elles, même sous la protection du feu.

 L’inquiétude assiégeait Aoûn. Il observait les mâchoires béantes, les dents aiguës, toutes ces prunelles dont le feu faisait des flammeroles d’escarboucles. La mort planait. (page 11-12)

 

Le Félin géant de J.H. Rosny aîné - Roman des âges farouches
rencontre avec un homme lémurien©Lectures pour tous n°18 du 15 juin 1918

 

Comme dans La guerre du feu, l'auteur fait coexister des espèces humaines à des stades différents d'évolution. Aoûn, fils de l'Urus, et Zoûhr, fils de la Terre, s'allient tour à tour aux Hommes-Lémuriens (tribu pacifique dont les membres ont encore une apparence simiesque, condamnée à disparaître) et aux Femmes-Louves (dont le mode de vie fait penser à celui des Amazones) contre leurs ennemis communs, les Hommes-du-Feu (encore appelés les Chelléens), tribu belliciste et anthropophage (faisant penser dans leur description physique aux Néandertaliens) !
Zoûhr lui-même est le dernier représentant de sa race, celle qui a domestiqué le feu et qui disparaîtra avec lui...

Le Félin géant de J.H. Rosny aîné - Roman des âges farouches
alliance avec les Femmes-Louves©Lectures pour tous n°18 du 15 juin 1918

Pour conclure, l'auteur nous invite à une véritable épopée préhistorique qui nous transporte littéralement sur cette terre sauvage et indomptée. Grâce au fabuleux talent de conteur de Rosny Aîné, le lecteur a l'impression de vivre aux côtés des deux guerriers Oulhamr, luttant au jour le jour pour leur survie. Certains passages, d'une très grande poésie, se dégustent avec ses sens. Bref, j'ai adoré et je compte me plonger dans l'intégrale de ses oeuvres préhistoriques !
En plus, j'ai appris une parole d'intimidation, qu'il me tarde de pouvoir recaser :
"«Aoûn Parthenia ouvrira vos poitrines. Il Elle donnera vos chairs aux hyènes.»" (page 73)
Alors, on fait moins les malins, hein ?!? winktonguebad

Appréciation :

note : 5 sur 5

Crédits images : trouvées sur le blog dédié à J.H. Rosny

extrait

 L’Oulhamr s’enivrait des paroles de son compagnon ; l’orgueil dilatait ses narines ; cette tristesse qui appesantissait ses os, lorsqu’il fuyait dans la nuit, s’était dispersée ; son être triomphant s’exaltait à l’aventure, et, tourné vers les pourpres de l’aurore, il aima passionnément la terre inconnue.
Zoûhr balbutia encore :
« Le fils de l’Urus sera un chef parmi les hommes ! »
Puis il poussa une plainte ; sa face prit la couleur de l’argile et il s’évanouit. Alors, Aoûn, voyant que le sang ruisselait sur la poitrine du blessé, se troubla comme s’il avait vu ruisseler son propre sang, et le visage immobile le terrorisa. Une affection terrible et douce palpitait dans sa chair. Les temps qu’ils avaient vécus ensemble s’élevaient en images chaotiques ; il revoyait les sylves, les landes, les brousses, les marécages et les rivières où ils mêlaient leurs énergies, où chacun était pour l’autre une arme vivante.
(page 17-18)

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