Auteur > Jean Bertheroy
Editeur > Presses de la Cité
Collection > Omnibus
Genre > roman historique
Date de parution > 1899 pour l'édition originale , 1992 pour la présente édition
Nombre de pages > 109 (1022)
Illustrations > Manuel Orazi pour l'édition originale
(sources : Wikipédia)
Jean Bertheroy, de son vrai nom Berthe-Corinne Le Barillier, née à Bordeaux le 4 juillet 1868 et morte à Cannes le 24 janvier 1927, est une femme écrivain française.
Elle collabora au Figaro et à la Revue des Deux Mondes. Très célèbre à son époque, elle fut la première secrétaire du jury Fémina en 1904, milita pour l’amélioration de la condition féminine et reçut la Légion d'honneur.
Remarquée d'abord pour ses poésies, elle se tourna vers le roman historique, puis le roman moderne. Son œuvre, si elle est assez largement tombée dans l'oubli, ne manquait pourtant pas de qualités, servie par un style sobre et une documentation toujours très solide. La part la plus consistante de son œuvre est probablement celle consacrée à l'antiquité romaine, qu'il vaut la peine de lire aujourd'hui encore.
Son souvenir reste présent à Montmorency où elle se fit construire une maison en 1891, 5, rue de l'Hermitage, à proximité immédiate de l'Hermitage de Jean-Jacques Rousseau, un écrivain qu'elle admirait.
(source : Ars pictoris, ars scriptoris: Peinture, littérature, histoire)
La Danseuse de Pompéi décrit le conflit religieux et mental de Hyacinthe qui doit choisir entre sa dévotion pour Apollon et son amour pour Nonia, la danseuse éponyme.
"Le Vésuve projetait son ombre bienfaisante sur le rivage."
Lors de la fête des vendanges, Hyacinthe, camille du temple d'Apollon issu de la riche famille marchande des Vettii, tombe amoureux de Nonia, petite danseuse publique qui offre ses services lors de banquets chez des particuliers. Il est déchiré entre son amour charnel pour la jeune fille et son amour spirituel envers le dieu. Contrairement à ses concitoyens, l'adolescent aspire à une vie de pureté dont il trahit l'idéal en cédant à sa passion pour la jeune fille. Leurs amours secrètes sont par ailleurs menacées par le peintre Ludius, rival humilié par la danseuse et qui ne songe qu'à se venger de son rejet...
La Danseuse de Pompéi est un roman antiquisant, genre alors à la mode à la fin du XIXème siècle; l'auteure s'inspire des catalogues publiés sur les fouilles archéologiques de Pompéi pour offrir un cadre à son histoire.
En 1894, soit 5 ans avant l'écriture de ce livre, la maison des Vettii est mise au jour dans les ruines de Pompéi et son excavation dure 2 ans; c'est l'une des maisons les plus belles du site et parmi les plus abondantes en tableaux et figures mythologiques ainsi qu'en sculptures en marbre et en bronze; elle est aussi exceptionnelle pour son architecture elle-même.
Péristyle de la maison des Vettii
Le héros sera donc l'héritier de cette villa, propriété de deux riches marchands, ce qui permet à l'auteure de broder une histoire autour de cette découverte archéologique. Jean Bertheroy est très bien documentée, cela se sent et lui permet de donner de longues descriptions fidèles à la réalité par l'intermédiaire d'un autre de ses personnages, Ludius le peintre, chargé d'orner les murs de la villa de somptueuses fresques, que l'on peut toujours admirer de nos jours.
Fresque du triclinium représentant les Ménades et les héros Pâris, Thésée et Hippolyte
Si au niveau des décors et de l'architecture, les descriptions sont réalistes, il en va différemment du reste. On sent que l'auteure porte un regard fantasmé sur les moeurs des Pompéiens; il faut dire que la Rome décadente se prête à ce genre de poncifs sur le luxe et la luxure joyeuse, où l'on pouvait s'adonner à la débauche sans le remords du péché. Des inexactitudes, des anachronismes parsèment de-ci de-là le récit. De plus, il y a des résonnances très chrétiennes dans ce roman : ainsi, le prêtre du temple d'Apollon s'appelle Chrestus, et le culte rendu au dieu solaire fait penser à celui des chrétiens : "... le chant mystique commença (...) proclamait le dogme initial de la doctrine, la naissance d'Orphée; Orphée, verbe d'Apollon, sauveur mélodieux des hommes, de qui le sang injustement versé libéra la terre des horreurs des ténèbres et du chaos. Quand la dernière strophe de l'hymne eut révélé cette incarnation mystérieuse, les initiés se levèrent et acclamèrent le Rédempteur en ces termes : "Salut, nouvel Epoux ! Salut nouvelle Lumière !" - Et ils s'embrassèrent en signe de paix."...
Pour conclure, un roman qui tient plus du fantasme par certains aspects que de la reconstitution, même si certaines descriptions se veulent fidèles et nous emportent par leur beauté et leur poésie dans cette cité disparue . Le style de l'auteure possède un charme suranné qui rend la lecture très agréable; malgré tout le souvenir ne restera pas impérissable et s'effacera certainement au fil du temps.
Appréciation :
Crédit images : les dessin sont de Manuel Orazi pour l'illustration originale; les autres images ont été trouvées sur le net.
"Nonia se retourne vers la porte légère, close aux passions de la demeure. Encore un peu de temps et elle va s'ouvrir, cette porte, derrière laquelle le fils des Vette isole les chers souvenirs de sa vie; on a déjà dressé dans le jardin le lit de repos à charnières d'argent, recouvert de coussins en soie claire, et Aurélie s'agite pour tout faire disposer à l'entour; un second velum plus bas a été tendu de façon à protéger le convalescent de la réverbération trop vive qu'envoie sur l'aire lisse et sablée du jardin le revêtement blanc de la corniche. enfin, appuyé à l'épaule de la Thessalonicienne, Hyacinthe descend doucement les trois marches du péristyle.
Comme il est changé depuis plus d'un mois qu'elle ne l'a vue !... Ce qu'elle remarque en lui surtout, c'est cette pâleur qui, autrefois, ne l'effleurait que par instants, et dont maintenant il semble être imprégné jusqu'à l'âme. Oh ! le contratse des boucles brunes, alourdies, de sa chevelure avec la blancheur transparente de ce visage, où les prunelles d'ambre clair luisent comme deux lampes sur la plaque de marbre d'un tombeau!... Il s'est couché, et la jeune fille qui l'a conduit s'offre, complaisante, à demeurer là; mais il refuse, il fait signe qu'il préfère rester seul. D'ailleurs, sa mère ne tarde pas à venir s'installer auprès de lui; puis c'est Aulus qui rentre de la basilique, et Clément, dont pour aujourd'hui les affaires sérisues sont temrinées. Et l'on cause, on remue tous les commérages de la ville, histoires de luxure, histoires d'argent, histoires de vanités satisfaites. Et les yeux d'ambre clair luisent d'une lueur plus lointaine sur la pâleur diaphane du visage. Pourtant il faut vider les coupes à l'heureuse journée du convalescent; Clément frappe dans se smains épaisses et demande le meilleur vin de Cécube.
Ils boivent sous le double velum, où s'infiltre voluptueusement la lumière, entre les parterres d'héliothropes et de roses, entre les colonnettes d'albâtre où s'enroulent des étreintes de volubilis; ils boivent sans s'occuper d'Hyacinthe qui s'est endormi, sans s'occuper de Ludius et de Nonia qui, sur le fond rouge du péristyle dans leurs vêtements obscurs de travail, représentent à leurs yeux une part d'humanité inférieure, les instruments de leur orgueil ou de leurs plaisirs."
Ce billet est ma 10è participation au challenge de Soukee.
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