Auteur > Apulée
Editeur > Folio classique
Genre > classique, fantastique
Date de parution > IIè siècle, 2011 pour la présente édition
Titre original > Asinus Aureus
Nombre de pages > 401
Préface > Jean-Louis Bory
Traduction > du latin par Pierre Grimal
(sources : Encyclopædia Universalis)
Sur sa vie, nous sommes assez bien documentés. Augustin, dans la Cité de Dieu, l'appelle le « philosophe platonicien de Madaure ». Mais c'est Apulée lui-même qui nous renseigne de la façon la plus substantielle dans ses discours et notamment dans une Apologia où il se défend contre une accusation de magie (il aurait ensorcelé une riche veuve pour parvenir à l'épouser). Lors du procès, en 158, Apulée a un peu plus de trente ans. Né à Madaure en 125, il se dit « demi-Numide et demi-Gétule » ; il appartient donc à cette Afrique qu'illustreront quelques dizaines d'années plus tard des écrivains chrétiens comme Tertullien ou Minucius Felix.
Son père lui a laissé une fortune dont il s'est servi pour voyager, s'instruire, aider ses amis, si bien qu'on l'accuse d'être pauvre. Vivant à Carthage, visitant Athènes, Samos, Rome, etc., il a une curiosité insatiable de pays et de connaissances. Qu'il ait étudié l'éloquence, Les Florides et l'Apologia en portent brillamment témoignage ; qu'il soit devenu « philosophe platonicien », il le répète mille fois dans l'Apologia, avec une conviction passionnée, sans compter que deux au moins de ses traités (De Platone et eius dogmate ; De deo Socratis) le confirment catégoriquement. Ajoutons qu'il a écrit des vers, qu'il a étudié les sciences naturelles, qu'il s'est fait initier à un grand nombre de cultes à mystères (Liber, Esculape, Isis...). Enfin, lors d'un voyage, malade, il s'arrête à Oea (Tripoli), où l'un de ses anciens condisciples lui fait rencontrer sa mère Pudentilla ; il épouse celle-ci ; d'où le procès. Qu'advint-il ensuite ? Sans doute vécut-il à Carthage, où il se sent chez lui. En tout cas, le personnage a de l'envergure et de l'originalité.
Un âne regarde vivre les hommes au temps de l'empereur Marc Aurèle.
"Je vais, dans cette prose milésienne te conter toute une série d'histoires variées et flatter ton oreille bienveillante d'un murmure caressant - pourvu que tu daignes jeter les yeux sur ce papyrus égyptien, que la pointe du roseau du Nil a couvert d'écriture - et tu t'émerveilleras en voyant des êtres humains changer de nature et de condition pour prendre une autre forme, puis par un mouvement inverse se transformer à nouveau en eux-mêmes."
L'Âne d'or, récit de onze livres, constitue l'ancêtre du roman picaresque. C'est également un témoignage sur l'intérêt de l'époque pour tout ce qui touche au mystique et au merveilleux ainsi qu'un témoignage sur les activités des classes inférieures.
De plus, sur l'histoire principale, racontée par Lucius lui-même, viennent se greffer une foule d'autres récits, plus ou moins longs, rapportés par les protagonistes que Lucius rencontre au cours de ses péripéties (l'histoire de Socrate, l'histoire de Thelyphron, le conte de Cupidon et Psyché, l'histoire de la cuve, l'histoire du mari jaloux, l'histoire de la femme du foulon, l'histoire de la marâtre empoisonneuse, l'histoire de la femme condamnée aux bêtes)...
L'intrigue tourne autour de la curiosité de Lucius et de sa fascination pour la magie.
Cette curiosité se manifeste dès les premières pages quand Lucius supplie un marchand rencontré sur le chemin d'Hypata, ville de Thessalie, réputée pour sa magie et ses magiciennes, de reprendre pour lui l'histoire qu'il était en train de raconter à son compagnon de voyage dubitatif. Cette histoire est celle de Socrate, qui est victime des maléfices de Méroe, une sorcière ayant l'habitude de transformer en animaux ceux qui ont le malheur de lui déplaire, et qui inflige à cet amant qui la délaisse une mort en deux temps. Cette histoire est un premier avertissement à l'encontre de Lucius pour le mettre en garde contre les dangers de la magie, mais notre héros (ou devrais-je dire notre anti-héros) n'en tient absolument pas compte.
Car sa curiosité est à nouveau éveillée quand il apprend que Pamphile, la femme de son hôte, est versée dans l'art de la magie. Il séduit Photis, la servante de son hôtesse, dans l'espoir d'en apprendre davantage sur ces pratiques.
Le deuxième avertissement a lieu lors d'un banquet chez sa tante où Thélyphron raconte sa propre histoire : il perd son nez et ses oreilles, morceaux de corps recherchés par les sorcières pour leurs incantations, lors d'une veillée funèbre.
Le troisième avertissement survient immédiatement après le banquet avec l'épisode des trois supposés brigands que Lucius transperce de son épée; Lucius, victime en fait de la magie de Pamphile, est assigné à comparaître devant un tribunal, ce qui donne lieu à une scène extrêmement burlesque.
C'est à la suite de cette mésaventure que Lucius, nullement rebuté, convainc Photis de lui permettre d'assister en cachette aux pratiques surnaturelles de sa maîtresse. Mais la satisfaction de sa curiosité ne fait qu'enflammer son désir de pratiquer la magie par lui-même. Profitant de l'absence de Pamphile, Lucius avec la complicité de Photis s'enduit d'un baume magique, mais au lieu de se transformer en hibou, il se métamorphose en âne (livre III) !
Céramique attique - Exekias - 540/530 av JC -
Dipylon - Mulets et valets
Lucius est ainsi puni pour sa curiosité.
Il régresse de l'état d'homme à celui d'animal, et quel animal ! Un âne qui, comme nous l'apprend une note de Grimal, est réputé pour sa lubricité et sert de monture à Silène, le dieu de l'Ivresse...
Bas-relief d'autel funéraire - époque romaine - Rheinisches Landesmuseum à Trèves
Les circonstances vont l'entraîner à travers le pays où il passe successivement de maître en maître : des brigands, des esclaves fugitifs, des prêtres de la déesse syrienne, un meunier, un jardinier, un soldat, un pâtissier et un cuisinier puis leur maître... ce qui donne l'occasion à l'auteur de nous brosser une série de tableaux très vivants sur la vie quotidienne, où la violence, le sadisme et les crimes sont omniprésents !
Mosaïque tunisienne - 140/240 av JC - Musée de Boston
Actes de brigandage sur les routes et jusque dans les villes, attaques de bêtes sauvages ou de chiens domestiques, capture de jeune fille noble pour rançonner sa famille, adultères, infanticide... Il est à noter que les femmes ont un bien méchant rôle : quand elles ne trompent pas leur mari, elles ont des désirs incestueux, ou se livrent à des tentatives d'assassinat sur leur mari devenu encombrant. Seules Plotine et Charité sont présentées comme des femmes honorables et fidèles.
Lucius traverse tous ces destins brisés en gardant son esprit humain et critique, se trompe parfois sur les apparences, ne résiste jamais à sa curiosité même en de périlleuses circonstances. Il fait également l'apprentissage de la misérable condition des animaux dont les forces sont exploitées jusqu'à ce que mort s'ensuive, qui sont brimés, battus, torturés même; d'ailleurs, notre pauvre Lucius pense plusieurs fois à se suicider pour échapper à son triste sort.
Ses vicissitudes font d'ailleurs penser à celles de Psyché, dont la touchante histoire constitue une part importante du roman puisque qu'elle occupe les livres IV, V et VI. Psyché est elle aussi punie pour sa curiosité lorsque Cupidon se rend compte de sa trahison et l'abandonne; elle va traverser toute une série d'épreuves, penser également à mettre fin à ses jours, avant de retrouver l'Amour.
Coupe en céramique à figures rouges - peintre de Brygos - 490/480 av JC - British Museum
Rassurez-vous, Lucius, riche de ses expériences, finira par retrouver forme humaine !
Et nous, nous refermerons ce livre dense en ayant souri, frémi d'horreur, éclaté de rire parfois face aux trouvailles burlesques ou aux jeux de mots de l'auteur, dont le goût pour les histoires et la satire (voire pour la gaudriole) nous fournissent un agréable moment d'évasion. Il y a bien quelques longueurs, notamment avec les processions religieuses, mais dans l'ensemble, cette quête initiatique est véritablement captivante. De plus, les notes de Grimal forment un support complémentaire très intéressant. Dommage que quelques erreurs sur certains mots se soient glissées çà et là...
Appréciation :
page 86 :
"Le mage, propitié de la sorte, place certaine plante dans la bouche du mort et une autre sur sa poitrine. Puis, se tournant vers l'Orient et prononçant mentalement des prières à l'adresse du soleil qui monte majestueusement, il donne à cette mise en scène une solennité qui excite, à l'envi, chez les assistants, l'attente d'un tel miracle.
29. Je me mêle à la foule et, perché derrière le lit funèbre lui-même, sur une pierre un peu haute, je suis toute l'affaire d'un oeil attentif. Déjà la poitrine se gonfle et se soulève, déjà la veine du bras se met à battre convulsivement, déjà le corps s'emplit d'un souffle de vie, le cadavre se dresse et le jeune homme se met à parler :"Pourquoi, je vous en prie, alors que j'ai déjà bu du Léthé, que je suis déjà plongé dans le marais du Styx, pourquoi me rappelez-vous pour accomplir les fonctions d'une vie qui ne sera que temporaire ? Arrête, je t'en supplie, arrête, et laisse-moi jouir de mon repos."
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