samedi 19 juillet 2014

Ida Brandt de Herman Bang

Ida Brandt de Herman Bang

Fiche détaillée

  Auteur > Herman Bang
Editeur > Phébus
Collection > Littérature étrangère
Genre > Classique
Date de parution > 1896 pour l'édition originale , 2013 pour la présente édition
Préface > Jens Christian Grøndahl
Titre original > Ludvigsbakke
Nombre de pages > 319
Traduction > du danois par Elena Balzamo

auteur
(sources : Wikipédia)

Herman Bang
Herman Joachim Bang
est un écrivain et journaliste danois, né le 20 avril 1857 à Als, Jutland, mort le 29 janvier 1912 (à 54 ans) à Ogden, Utah.

Fils de pasteur presbytérien, Herman Bang fut très tôt orphelin de mère. Toute sa vie, il en ressentit une certaine frustration qui transparaîtra dans son œuvre et notamment dans son premier roman Haabløse slægter (Familles sans espoir) écrit en 1880 et qui lui valut un procès pour atteinte aux bonnes mœurs.
Herman Bang fut également journaliste littéraire dont les articles paraîtront dans divers recueils, les premiers ont été édités alors qu'il avait à peine 20 ans.
La deuxième moitié des années 1880 le vit séjourner à l'étranger (Berlin, Vienne, Prague) d'où il écrivit de nombreux articles pour la presse danoise. Ces années furent les plus prolifiques d'Herman Bang : Haabløse Slægter (Familles sans espoir), 1880 ; Excentriske Noveller (Nouvelles excentriques), 1885 ; Ved Vejen (Au bord de la route), 1886 ; Stuk (Stuc), 1887 ; Under Aaget (Sous le joug), 1890 ; Ti Aar (Dix ans), 1891 ; Mikaël, 1904 ; De uden Fædreland (Les Sans-Patrie), 1906.
Influencé dans ses premiers romans par le naturalisme français, il évoluera ensuite vers l'impressionnisme. Ses œuvres décrivent des existences manquées ou malheureuses. Homosexuel, refoulé par les codes moraux de l'époque, ses sentiments transparaissent dans les relations hétérosexuelles de ses personnages. Il est considéré comme l'un des maîtres de la littérature danoise en ce qui concerne les descriptions de portraits psychologiques féminins.
Il est mort aux États-Unis où il s'était rendu pour une tournée de conférences.
Il fut plusieurs fois adapté au cinéma.

quatrieme de couverture

Ida Brandt est de ces jeunes filles que l’on met facilement de côté. De celles, dociles, qui savent se faire oublier. Elle possède pourtant l’élégance de sa classe et la générosité de cœur des honnêtes gens. Enfant, déjà, sa gentillesse intriguait, mais devenue adulte, son dévouement paraît quasi suspect. Trop altruiste pour être acceptée par la bourgeoisie danoise à laquelle elle appartient, trop riche pour ses collègues infirmières, Ida Brandt peine à trouver sa place dans la société. Jusqu’à l’amour fou, celui qui dépasse les préjugés, qui laisse la beauté parler… mais n’est-il pas seulement le fruit de sa naïveté ?
Un roman intense, publié en 1896, par lequel Herman Bang affirmait vouloir « exprimer par les mots la douleur de ceux qui ne se plaignent jamais », et dont Jens Christian Grøndahl salue l’éternelle modernité.

première phrase

"Le garçon de salle était venu chercher les trois malades réquisitionnés à la cave à provisions."

avis personnel

Ida et Karl se connaissent depuis l'enfance, leurs pères respectifs étant M. Brandt , le régisseur du domaine «Ludvigsbakke» (qui est le titre original du roman) et M. von Eichbaum, le propriétaire, conseiller d'Etat de son emploi.
A la mort de son père, Ida est obligée de quitter le domaine avec sa mère pour s'installer dans la petite ville de Horsens, mais elle retrouve Karl quelques années plus tard à l'hôpital de Copenhague où la jeune fille travaille en tant qu'infirmière et où le jeune homme vient d'être embauché comme comptable.
Inévitablement, Ida tombe amoureuse de ce séduisant mais paresseux jeune homme, qui s'est fait recaler à tous ses examens et mène une vie dissolue. Elle lui prête de l'argent pour payer ses dettes, l'invite au restaurant. Bien que la jeune fille soit riche, son statut social la place toujours dans un rôle de domestique aux yeux des bourgeois qu'elle fréquente.
Les von Eichbaum ont beau connaître des problèmes financiers qui les poussent à vendre leur domaine campagnard, la mère de Karl s'échine à sauvegarder les apparences... et elle a d'autres projets pour son fils qui vit toujours sous son toit.

 Je dois avouer que les débuts de lecture furent difficiles : on a l'impression de se noyer sous la multitude des noms des personnages dont la consonance, de surcroît, ne nous est pas habituelle, d'autant que la narration a l'air décousue.
La longue lettre qu'Olivia Franck, l'amie d'Ida, lui écrit au 1er chapitre en égrenant leurs souvenirs est d'un profond ennui.
Autant que le flash-back qui suit et qui fait défiler une farandole de personnages, certains extrêmement bavards :
M. Brandt, le régisseur ; Marianne, sa femme, d'origine paysanne ; Schrøder, la gouvernante ; Mme Morgensen, la femme du pharmacien ; Mme Muus, la coquette épouse de l'huissier ; Sørensen, le receveur municipal ; Mme Lund, la femme du garde-chasse ; et toutes les collègues d'Ida... c'en est étourdissant et l'on se perd parmi tous ces visages et toutes ces paroles...


Mais curieusement, le charme finit par agir.
C'est sûrement dû au fait que c'est un roman sensoriel où l'auteur n'explique pas ni ne décrit vraiment ce qui se passe mais montre les gestes, le regard, le ton, les paroles, laissant le lecteur s'en imprégner pour mieux deviner.


La vie d'Ida s'est toujours partagée idylliquement entre le domaine «Ludvigsbakke» et l'hôpital de Copenhague, deux endroits qu'elle chérit mais qui apparaissent opposés, entre la douceur des souvenirs évoqués pour le 1er en contraste  avec l'agitation liée à son travail avec les malades et les cris des patients pour le 2ème. Or, Ida rêve d'un 3ème refuge : un appartement qu'elle louerait pour Karl et elle afin de faciliter leurs rencontres. Malheureusement, Karl fuit toute discussion à ce sujet ; pire même, il échappe progressivement à la jeune fille pour se mettre à fréquenter assidûment Kate Mourier, la fille d'un négociant enrichi, belle et hautaine, et qui a des vues sur lui.
Karl s'avère médiocre, opportuniste et lâche, Ida n'ayant jamais été pour lui qu'un moyen de satisfaire ses besoins financiers et charnels. Car dans ce Danemark de la fin du XIXème siècle, les clivages sociaux ne peuvent être dépassés. La scène finale du livre est à ce titre glaçante : lors d'un dîner chez Mme von Eichbaum, Ida est reléguée en bout de table, traitée avec une condescendance amicale, sollicitée pour passer les plats ; d'ailleurs, elle finit dans la cuisine à laver les tasses. Elle subit cette humiliation sans se plaindre, mais transformée physiquement "comme si la robe jaune était soudain devenue trop ample, comme si le corps paré de ce vêtement était dépourvu de vie, comme si les cheveux frisés au-dessus du front étroit n'étaient qu'un postiche..." (page 310).
Ida est une déclassée sociale, trop riche pour être acceptée par ses collègues infirmières à l'hôpital, pas assez bien née pour être acceptée dans la société bourgeoise de Karl et de sa mère, mais "Une de ces rares personnes qui connaissent leur place", selon la phrase cruelle et définitive de Mme von Eichbaum (page 310).

Ida Brandt est aussi un roman sur la condition féminine, où les femmes célibataires n'ont pas un statut par elles-même, et doivent travailler ou se marier pour exister.

C'est aussi un roman sur l'opposition entre deux types de caractère : ceux qui se laissent manipuler et ceux qui manipulent. Ainsi, Ida se classe dans la 1ère catégorie. Enfant discrète et dévouée, elle a grandi entre un père tendre et une mère autoritaire ; elle est ensuite étouffée par sa mère devenue veuve et impotente dont elle accepte sans broncher le comportement tyrannique ; plus tard, elle se dévoue corps et âmes à l'homme qu'elle aime jusqu'à mettre sa réputation et sa fortune en danger, puis assiste impuissante à son abandon progressif sans jamais oser s'y opposer ! Modèle d'abnégation et de modestie, elle subit son destin d'un bout à l'autre du livre...

Le roman a une fin ouverte. Il est difficile de savoir si Ida réussit à surmonter la trahison de Karl grâce à son travail ou si elle se termine par un suicide.

Pour conclure, j'ai été ravie de découvrir ce roman, même si mes craintes du début m'avaient laissé envisager le pire. Le lecteur se sent progressivement captivé par la peinture de cette bourgeoisie oisive et vaine, guidée par ses préjugés de caste, que soulignent des dialogues abondants et superficiels. On se sent profondément touché par l'impuissance et la douleur muettes d'Ida, bien mal récompensée de son altruisme et de sa gentillesse.

Appréciation :

note : 4 sur 5

extrait

  Entre temps, Karl, qui regardait Ida avec insistance, sans réussir à capter son regard, effleura, comme par hasard, sa joue avec l'extrémité de sa cravache, doucement, presque imperceptiblement. Elle leva les yeux vers lui, un regard bref, rapide comme un éclair...(...)
... Ce beau sourire qu'elle avait lorsqu'elle avait levé le regard vers ce grand dadais...
Ida avait regagné sa chambre. Elle avait salué le portier et échangé quelques mots avec Joséphine croisée dans l'escalier - ces derniers temps, ses jupes froufroutaient particulièrement fort -, et, une fois dans sa mansarde, elle se dépêcha de fermer la fenêtre. Elle était toujours sous l'emprise de cette unique sensation : le bout de la cravache de Karl lui effleurant délicatement la joue...
(page 239-240-241)

divers

 

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Ce billet est ma 12è participation au challenge d'Helran - cette escale compte pour le Danemark

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5 commentaires:

  1. J'avoue que ce n'est pas le style de lecture vers lequel je me serai dirigée, mais malgré les points négatifs tu réussi à nous (enfin moi ^^) intéresser à ce roman. 

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  2. J’ai vu l’époque, l’origine et ça a fait tilt ! Phébus a l’habitude de partager des perles assez rares du XIXème siècle et j’aime toujours leur présentation un peu « chic », donc j’ai déjà confiance envers la maison d’édition !
    Je surmonterai cette ennuyeuse lettre du début et ces flash-back car ton avis général me donne envie de tenter Ida Brandt. De ce que j’en lis, il me fait légèrement penser à La Bienfaitrice de von Arnim en moins joyeux, moins léger. Et ça me familiarisera avec le Danemark de cette époque !

    Merci pour la découverte en tout cas ! Je le note immédiatement et je tenterai de le trouver prochainement :)

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  3. Je ne connais pas du tout la littérature danoise. Le portrait de l'auteur attise ma curiosité. En tout cas, lire le destin d'Ida ne doit pas rassurer sur la bonté humaine (parce qu'elle a l'air d'avoir une vie bien triste malgré sa gentillesse). Ca a toujours tendance à me déprimer quand je termine ce genre de bouquin !

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  4. Une lecture qui à l'air tentante, même si je pense que à certain niveau voir le caractère soumis de la femme m’agacerait quelque peu (un peu comme dans Agnès Grey ou Villette ;))
    En tout cas le côté manipulation de l'ouvrage soulève mon intérêt, je prends note pour une future lecture ^^

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  5. @ Salhuna,
    Je suis ravie de t'avoir intéressée à cette histoire malgré tout, ça me fait très plaisir !

    @ Vampire aigri,
    Oui, je me souviens qu'à "cause" de toi, La Bienfaitrice trône dans ma wish-list !  j'ai donc ma revanche !!
    Et tu as raison : Ida Brandt est beaucoup moins léger que ne semble l'être le roman de Von Arnim (déjà, pas d'humour so bristish !^^)

    @ Alison,
    c'est justement cette tristesse qui attire d'abord son amant... mais évidemment, leurs relations la rendent heureuse (enfin au début), ce qui fait perdre son expression mélancolique, et donc l'intérêt de Karl ! enfin, je dis ça, mais je n'ai pas envie de te déprimer davantage, hein !

    @ Missie,
    Ouh là là, eh bien, Ida risque de fichtrement t'agacer car elle ne se rebelle jamais, même quand on profite d'elle... parfois, j'avais envie de la secouer !! mais c'était bien quand même !!!

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