Auteur > Elizabeth Gaskell
Editeur > Fayard
Genre > classique, roman industriel
Date de parution > 1855 pour l'édition originale, 2005 pour la présente édition
Titre original > North and South
Nombre de pages > 510
Traduction > de l'anglais par Françoise du Sorbier
Fille et femme de pasteur, Elizabeth Gaskell (1810-1865) connaissait intimement la vie provinciale et les milieux industriels. Sa sensibilité aux questions sociales la porta à peindre avec sympathie la condition des opprimés de son temps : les ouvriers et les femmes. Proche de Charles Dickens, George Eliot et Charlotte Brontë, elle a occupé une place importante sur la scène littéraire victorienne. Les éditions Fayard ont publié Nord et Sud en 2005 et Les Amoureux de Sylvia en 2012.
Une jolie édition de Nord et Sud est parue chez Points Seuil en 2005, avec un certain succès (plusieurs réimpressions et "coup de coeur" de la Fnac, en particulier).
C’est le choc de deux Angleterre que le roman nous invite à découvrir : le Sud, paisible, rural et conservateur, et le Nord, industriel, énergique et âpre. Entre les deux, la figure de l’héroïne, la jeune et belle Margaret Hale. Après un long séjour à Londres chez sa tante, elle regagne le presbytère familial dans un village du sud de l’Angleterre. Peu après son retour, son père renonce à l’Église et déracine sa famille pour s’installer dans une ville du Nord. Margaret va devoir s’adapter à une nouvelle vie en découvrant le monde industriel avec ses grèves, sa brutalité et sa cruauté. Sa conscience sociale s’éveille à travers les liens qu’elle tisse avec certains ouvriers des filatures locales, et les rapports difficiles qui l’opposent à leur patron, John Thornton.
En même temps qu’un étonnant portrait de femme dans l’Angleterre du milieu du XIXe siècle, Elizabeth Gaskell brosse ici une de ces larges fresques dont les romanciers victoriens ont le secret.
"«Edith ! murmura Margaret, Edith !"
J'avais tellement entendu de bien de ce livre que j'en attendais sûrement beaucoup. Trop même. Car j'espérais inconsciemment retrouver le même emballement que lors de ma découverte d'un Jane Austen, d'un Charlotte Brontë ou sa soeur Emily voire Ann, d'un Edith Wharton, d'un W.M. Thackeray. Or, il n'en fut rien, et je ressors mitigée de ma lecture, même si dans l'ensemble je suis heureuse de cette découverte.
Vu le sujet traité, je m'attendais à un mélange de Zola, pour la description du milieu ouvrier, et d'Austen pour celle de la vie sociale de l'héroïne, mais je n'ai retrouvé ni la profondeur du premier ni la causticité de la deuxième.
Alors que le thème des revendications ouvrières m'intéressaient, j'ai trouvé que le livre manquait de descriptions du milieu industriel de l’époque. J'aurais vraiment aimé que l'auteure développe davantage cet aspect-là. En plus, nous ne voyons les grévistes qu'à travers les yeux de Margaret Hale, l'héroïne, qui est certes animée de bons sentiments, mais un peu trop "paternalistes" à mon goût. Les explications sur les relations entre patrons et ouvriers semblaient vraiment un peu creuses par moment.
Pour ce qui est de l'histoire d'amour entre les deux protagonistes, je l'ai trouvée vraiment très mal amenée. Il n'y a aucune progression narrative : Margaret et Thornton, affublés tous les deux d'un orgueil démesuré et mal placé qui les sépare un temps (ce thème vous rappelle un roman ? c'est normal mais j'ai le regret de vous informer qu'il est ici traité avec beaucoup moins de talent qu'Orgueil et Préjugés !!) se tournent autour pendant tout le roman sans arriver à susciter chez le lecteur qu'un intérêt poli. Les sentiments des deux protagonistes sont pourtant bien décrits, mais leur cheminement vers un amour partagé si peu approfondi que l'on ne comprend pas ce qui les amène finalement à se déclarer l'un à l'autre. En outre, l'auteure cède à certaines facilités narratives qui frôlent parfois le ridicule : la grande scène où Margaret vole à son corps défendant au secours de Thornton durant la grève n'aurait pas déparé dans un mauvais Harlequin ; de même, elle se dépêtre un peu trop facilement de l'enquête policière qui menace de la compromettre, pirouette cacahuète et hop, disparus les soupçons qui pèsent sur elle...
Concernant les personnages principaux, je n'ai pas réussi à m'attacher à eux ni à comprendre leurs réactions. Margaret et Thornton avaient beaucoup de potentiel que l'auteure a gâché selon moi. Margaret, malgré une tendance à la prétention assez agaçante, frôle un peu trop la perfection physique et morale pour nous toucher vraiment. Thornton, bien que profondément honnête et intègre, incarne trop les valeurs petites-bourgeoises, et c'est rédhibitoire pour moi, désolée...
Je n'ai jamais compris les raisons (dont la nature n'est jamais précisée) qui poussent le père de Margaret, le pasteur Hale, à abandonner sa charge ecclésiastique ni surtout à partir dans un endroit aussi peu attrayant. En outre, je l'ai trouvé faible, inconsistant et geignard, il m'a tapée sur les nerfs une bonne partie du roman.
Je passe sur la cousine de Margaret, parfaitement frivole et insipide, sur la mère de Margaret, qui a tendance à se plaindre, au début du roman, à propos de pacotilles.
Par contre, j'ai beaucoup aimé l'ouvrier Higgins et sa fille Bessy, ainsi que Frederick, le frère de Margaret et Mr Bell, l'ami bienfaiteur de la famille.
Pour conclure, un livre qui m'a un peu déçue malgré le thème prometteur du milieu industriel et ouvrier. Je m'attendais à un grand choc des cultures entre le nord et le sud de l'Angleterre mais cela reste vraiment trop anecdotique pour être vraiment marquant. J'aurais aimé que l'auteure aille plus loin dans sa réflexion sociale, qu'elle soit moins édulcorée. En outre, je n'ai pas du tout été convaincue par l'histoire d'amour dont les ressorts narratifs cèdent un peu trop à la facilité, la fin étant d'ailleurs un peu trop abrupte par rapport au reste du roman qui comporte beaucoup de longueurs sur des passages dispensables...
Appréciation :
”Lorsque Mr Thornton avait quitté la maison ce matin-là, il était presque aveuglé par sa passion frustrée. Il se sentait pris de vertige, comme si Margaret, au lieu d'être une femme douce et distinguée dans son allure, ses propos et ses gestes, lui eût répondu telle une robuste harengère par un solide coup de poing. Il éprouvait une authentique douleur physique : un violent mal de tête assorti d'un pouls irrégulier qui battait très fort. Le bruit, la lumière crue, le mouvement et le vacarme permanents de la rue lui étaient insupportables. Il se dit qu'il était un imbécile de souffrir pareillement ; pourtant, il était incapable pour l'instant de se souvenir de la cause de sa souffrance, de juger si elle était à la juste mesure des conséquences qu'elle avait provoquées. Il eût trouvé du soulagement à s'asseoir sur le pas d'une porte et à sangloter, tel un petit enfant éploré qui trépigne et s'insurge contre un mal qu'on lui a fait. Il se dit qu'il détestait Margaret, mais une bouffée d'amour, aiguë et violente, transperça comme l'éclair sa révolte sourde et menaçante cependant même qu'il formulait ses paroles de haine. Il trouvait surtout du réconfort à chérir on tourment, sachant, ainsi qu'il le lui avait dit, qu'elle aurait beau le mépriser, le rejeter, le traiter avec son indifférence souveraine, elle ne le ferait pas changer d'un iota. Elle n'en avait pas le pouvoir. Il l'aimait et continuerait de l'aimer, malgré elle et malgré cette misérable douleur physique.
(page 243)
Challenge organisé parDeedee1310 (3/12)
Challenge organisé par Pr Platypus (1/12)
J'avais pensé le choisir pour le challenge des filles de Mrs Bennet et je crois avoir bien fait de me raviser au final.
RépondreSupprimerJe suis un peu gênée de t'avoir fait changer d'avis car la très grande majorité des avis sur ce roman sont très largement positifs... Mais peut-être t'ai-je tout de même préservé d'une lecture décevante...
SupprimerContrairement à toi, j'avais vraiment apprécié ce roman...j'avais aimé le style d'Elizabeth Gaskell, simple mais percutant et ce roman industriel, écrit qui plus est par une femme m'avait paru tout à fait intéressant... Ceci dit, on ne peut pas tout aimer non plus dans ses lectures et je comprends très bien ce qui a pu te déranger dans ce roman.
RépondreSupprimerIl est vrai que son style m'a bien plu, en dépit des réserves que j'émets sur le fonds... Mais je n'ai jamais réussi à m'attacher ni à m'identifier aux personnages principaux... En tout cas, merci de ton passage sur ce billet !
SupprimerÇa me fait du bien de voir que tu es aussi mitigée par cette lecture ! J’en attendais peut-être un peu trop aussi… Du côté social justement, je pensais avoir plus de précisions (à la Zola comme tu le mentionnes), or, c’est clair que la trame romantique balaye le reste…
RépondreSupprimerEnfin, un coup de balais digne de la tornade parce que, idem, la conclusion de l’enquête est tellement absurde !... Enfin, "conclusion"… Il y en a-t-il seulement une ?…
Mais je suis rassurée de voir un autre avis qui pointe ces défauts car les éloges faisaient que je me demandais si j’étais passée à côté de quelque ou si c’est tout bêtement moi qui ne comprenais pas (cette histoire de sentiments qui arrivent d’un coup, par exemple), mais effectivement, Nord et Sud a parfois des côtés de "mauvais Harlequin" même au niveau des personnages, car comme toi, je n'ai pas réussi à m'y attacher (sauf Mr Bell et les Higgins).
Enfin, c'est très dommage parce qu'il y avait du potentiel mais il faut être averti : beaucoup de romance et peu de contexte historique (Gaskell ne s'attendait peut-être pas à ce que son roman soit lu presque 200 ans plus tard... xD).
Ton commentaire me rassure vraiment, surtout après tous les avis dithyrambiques que j'avais pu lire sur la blogo... C'est la première fois qu'un classique me laisse sur un ressenti aussi mitigé mais une lectrice, suite à mes réserves, m'avait conseillé un autre de ses romans, Ruth je crois... Je vais tenter de redonner une chance à l'auteure, et ensuite, basta !! Merci de ton commentaire développé, c'était très intéressant... Du coup j'irai lire ton avis !!
SupprimerOh quel dommage, c'est l'un de mes romans préférés mais peut-être que mon visionnage de la BBC juste avant m'a influencé. Mais je comprends ce que tu veux dire concernant les personnages principaux, j'ai lu d'autres romans de Gaskell notamment Femme et fille et ou je n'arrivais pas à vraiment m'attacher aux perso principaux. En tout cas il faudra que je le relise pour me faire un avis neuf mais mon mode fan service est fan de M. Thornton ^^
RépondreSupprimerIl faudra que je visionne l'adaptation télé pour me faire une idée mais il me semble effectivement que beaucoup des éloges que j'avais pu lire étaient le fait de fans inconditionnelles de la série de la BBC...
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