"Il y a plus de mille ans vivait en Bretagne un Enchanteur qui se nommait Merlin."
Qui
ne connaît Merlin ? Il se joue du temps qui passe, reste jeune et beau,
vif et moqueur, tendre, pour tout dire Enchanteur. Et Viviane, la seule
femme qui ne l'ait pas jugé inaccessible, et l'aime ? Galaad, dit
Lancelot du Lac? Guenièvre, son amour mais sa reine, la femme du roi
Arthur ? Elween, sa mère, qui le conduit au Graal voilé ? Perceval et
Bénie ? Les chevaliers de la Table Ronde ? Personne comme Barjavel, qui
fait le récit de leurs amours, des exploits chevaleresques et des quêtes
impossibles, à la frontière du rêve, de la légende et de l'Histoire.
Dans une Bretagne mythique, il y a plus de mille ans, vivait un
Enchanteur. Quand il quitta le royaume des hommes, il laissa un regret
qui n'a jamais guéri. Le voici revenu.

J'ai lu ce livre à l'occasion du Book Club d'octobre auquel je participais pour la 2ème fois. C'est même le livre que j'avais proposé qui a été sélectionné ! Farpaitement, je me la pète !
Bref, le
Book Club propose chaque mois une discussion sur une lecture commune à
tous les membres de Livraddict qui choisissent eux-mêmes le thème puis
le livre. Le thème du mois d'octobre portant sur la légende arthurienne, je ne pouvais que m'inscrire...
J'ai littéralement dévoré le livre, même si je lui ai trouvé
quelques longueurs vers la fin (j'avoue avoir à ce moment sauté un
paragraphe par ci par là 😇 ).
L'un
des gros points forts du livre est le style, très fluide, empreint de poésie, ce qui
rend certains passages vraiment sensoriels et très évocateurs...
”Dans le corps du cerf blanc, le coeur de Merlin tremblait. Il savait qu'il ne la reverrait plus telle qu'elle était en cet instant. Demain, tout à l'heure, elle serait déjà différente. Elle avait la beauté déchirante de ce qui change si vite qu'on ne peut jamais le retrouver.
(page 12)
On a parfois l'impression de lire de la poésie en prose. La
musicalité du style donne un rythme spécial très agréable à
l'histoire. Mais
l'oeuvre est également teintée de notes d'humour, jouant sur les
jeux de mots et les anachronismes. Cela donne un ton complètement
décalé et parfois surprenant, mais qui colle à la personnalité de
Merlin, qui est ici un personnage très facétieux...
En outre,
certaines trouvailles de l'auteur sont très originales : je pense plus
particulièrement à cette fameuse page évoquant l'acte entre
Guenièvre et
Lancelot ou la découverte de l'adultère de la Reine revisitée de manière poétique !! ^^
L'intrigue et la quête étaient très plaisantes à suivre. Mais j'ai
trouvé que
certains personnages emblématiques de la légende étaient ici
effacés (je pense plus particulièrement à
Mordred qui arrive presque
comme un cheveu sur la soupe dans l'histoire). J'ai l'impression que
l'auteur s'est
davantage appesanti sur les couples (Merlin/Viviane, Lancelot/Guenièvre,
Galehaut/Malehaut)
ou sur les chevaliers et leurs rapports aux femmes,
qui les empêchent, en les séduisant, d'accéder au Graal (Gauvain et son
appétit charnel, Perceval qui perd sa virginité presque sans s'en rendre
compte, l'amant de Morgane complètement soumis à sa maîtresse)...
J'ai beaucoup aimé cette version de Merlin. Malgré ses immenses
pouvoirs, il a gardé un côté très malicieux et aime jouer des tours aux
autres. Mais il a également un côté très humain, en dépit de son origine diabolique, qui ne l'exempte pas de
commettre des erreurs. En voulant faire le bien, il prend parfois de
mauvaises décisions. Mais c'est son amour pour Viviane qui le rend aussi
touchant, aussi tourmenté... car les deux amants ne peuvent consommer leur amour sous peine de perdre leurs pouvoirs !
”Depuis que je t'ai vue je sais que je ne suis que la moitié de moi-même. Tu es mon autre moi qui me demande et dont j'ai besoin. Je suis la terre assoiffée et la pluie qui ne tombe pas, je suis la soif et la faim et la nourriture refusée. J'ai double souffrance, la tienne, que je connais, en plus de la mienne... Un jour, nous ne pourrons plus le supporter, et il nous faudra choisir...
(Merlin à Viviane, page 155/156)
L'auteur fait intervenir à de multiples reprises un personnage fort peu fréquentable et fort peu représenté dans les versions modernes de la légende puisqu'il s'agit
du diable : personnellement, celui-ci me faisait beaucoup rire... Ses invectives à l'encontre de ses victimes fort peu coopératives, ses déconvenues
successives en échouant à piéger des âmes dans son enfer désespérément
désert étaient vraiment hilarantes... L'auteur prend plaisir à le
tourner en ridicule ; cependant, ce personnage n'est pas réduit au rôle de simple bouffon et apporte beaucoup de piquant à l'histoire, et surtout sa raison d'être en obligeant Merlin à contrecarrer sans cesse ses noirs desseins...
Barjavel n'épargne personne, puisqu'il ridiculise aussi l'obsession des chrétiens pour la virginité
obligée des élus !
Bizarrement, alors que toute l'histoire tourne autour du Graal, j'ai très vite oublié la résolution de
la quête. Enfin, si... je sais qui lève le voile, mais la conclusion ne
m'a pas marquée plus que cela... Disons que j'ai l'impression que c'est à
chaque lecteur de donner son interprétation.
J'ai eu la sensation que
l'achèvement de la quête n'était pas le plus important (d'autant qu'il
met fin au temps des aventures légendaires pour faire débuter le temps
de l'obscurantisme)
mais plutôt le chemin que chacun emprunte pour s'en
approcher...
Je dois avouer que
ce roman réhabilite le couple formé par Lancelot et
Guenièvre à mes yeux.
Les Dames du lac de Zimmer Bradley me les avaient
fait prendre en détestation (et ce dégoût perdure maintenant depuis 25 ans
!!) ! Il était temps que cela prenne fin... C'était peut-être le but de
mon graal à moi avec ce livre !!! 😏
J'ai par ailleurs apprécié découvrir certains épisodes que je ne connaissais pas , comme celui avec la Fille qui
jamais ne mentit (ou quelque chose du même genre je ne me rappelle plus
l'intitulé exact..) ou celui avec Galehaut ou encore avec le roi
mehaigné ou aussi avec l'amnésie de Lancelot...
Et j'ai trouvé
que Barjavel avait opéré quelques changements par rapport aux autres oeuvres (ou alors je ne m'en souvenais plus) :
l'épée retirée du rocher qui n'est pas Excalibur, le Graal qui trouve
son origine avec Adam et Eve, la manière dont est découvert l'adultère
de la reine, l'origine de Stonehege...
Pour conclure, une revisite de la légende arthurienne absolument délicieuse ! L'enchanteur n'est pas seulement Merlin, mais également l'auteur dont le pouvoir surnaturel réside dans sa plume pleine de poésie et de finesse ! Une lecture véritablement enchanteresse !!
(sources : Folio)
René Barjavel est né en 1911. Il termine ses études au collège de Cusset, puis entre au
Progrès de l’Allier,
à Moulins où il apprend son métier de journaliste. Il rencontre
l’éditeur Denoël qui l’engage comme chef de fabrication. C’est chez lui,
qu’après avoir fait la guerre dans les zouaves, il publie son premier
roman,
Ravage (1943), qui précède la grande vogue des ouvrages de la science-fiction. Barjavel a écrit une vingtaine de livres, dont
La Nuit des Temps,
Les Chemins de Katmandou,
Tarendol et
La Faim du tigre. Il a collaboré en tant que dialoguiste à une vingtaine de films, dont la série des
Don Camillo. Il est décédé en novembre 1985.
Ma 12ème participation au challenge d'
Aethelthryth.
Ma 17ème participation au challenge d'
Hérisson -