jeudi 1 août 2013

La rue au Moyen Âge de Jean-Pierre Leguay

La rue au Moyen-Âge de Jean-Pierre Leguay

 

Fiche détaillée

Auteur > Jean-Pierre Leguay
Editeur > Le Grand Livre du Mois
Collection > De mémoire d'homme : l'histoire
Genre > Essai historique
Date de parution > 1984 dans la 1ère édition, 2002 dans la présente
Nombre de pages > 245

auteur

 Jean-Pierre Leguay, agrégé d'hsitoire, docteur ès lettres, professeur à l'Université de Rouen, est l'auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les villes bretonnes au Moyen Âge. Ses recherches l'ont amené à s'intéresser, de façon plus générale, aux problèmes économiques et sociaux des XIVè et XVè siècles.

quatrieme de couverture

Cet ouvrage, abondamment illustré, met l'accent sur deux aspects essentiels de la rue médiévale : l'élément du paysage urbain et le cadre de vie.
Une documentation riche et diversifiée, complétée par l'examen de miniatures, de toponymes, de plans anciens ou reconstitués, plusieurs exemples pris à Paris et dans les villes provinciales ont permis à l'auteur de décrire avec précision la voie publique, des simples allées aux grandes "charrières" accessibles aux véhicules tractés, son tracé, son profil, sa structure superficielle et profonde, son décor puis d'y faire revivre une population besogneuse ou oisive, fidèle ou révoltée, joyeuse ou accablée, confrontée à des problèmes, apparemment insolubles, de circulation, de cohabitation et de pollution.
La rue, décrite ici, est un spectacle permanent où se reflètent les préoccupations du moment, les plaisirs et les drames, un monde souvent cruel et impitoyable pour les faibles.
C'est une entreprise originale par les thèmes abordés qui sont toujours d'une étonnante actualité.
 

avis personnel

 La rue médiévale est souvent étroite, sinueuse, fortement inclinée et très encombrée.
Les grandes artères, appelées "maistresses rues" sont rares et mesurent entre 5 et 12 mètres; elles s'inscrivent dans le decumanus et le cardo romain.
Les rues communes mesurent entre 2 et 5 mètres.
Enfin, le dernier échelon est constitué d'un lacis de ruelles dont certaines laissent à peine passer un homme, à condition qu'il ne soit pas trop gros !

Les constructions parasites des particuliers, tels que balcons, passerelles et encorbellements etc, viennent encore empiéter sur la largeur des rues, empêchant davantage le soleil de passer et rendant la circulation encore plus difficile.
Pourtant, un souci d'urbanisme a existé mais est souvent resté lettre morte. Par ailleurs, il est interdit de bâtir près des remparts afin de ne pas gêner la défense en cas d'attaque.

La rue au Moyen Âge de Jean-Pierre Leguay

L'étroitesse des rues n'est pas le seul problème rencontré par les citadins qui doivent également supporter la pollution urbaine et la promiscuité, à l'origine des grandes infections. Une puanteur, souvent insupportable, s'en dégage, provoquée par une mauvaise évacuation des eaux usées, l'abandon d'immondices ou le jet du contenu des vases de nuit expédié des étages, malgré les interdits municipaux. Le manque de latrines publiques n'arrange rien...
De plus, beaucoup d'activités urbaines sont polluantes, menaçant même de contaminer les puits : les bouchers qui tuent en pleine rue, les "ciergiers" qui fondent le suif, les tanneurs, parcheminiers, teinturiers et foulons qui manient l'alun et les colorants, les maréchaux-ferrants, les barbiers-chirurgiens...
Par ailleurs, les animaux côtoient les hommes qui les élèvent pour les consommer, comme les porcs, chèvres, poules...

La rue au Moyen Âge de Jean-Pierre Leguay
La boucherie- Tacuinum sanitatis, XVè s. -BnF, Paris

Dès le XIIIè siècle, des rois, princes, municipalités commencent à se soucier d'hygiène publique.
A partir de Saint Louis, l'emploi du pavé se généralise sur les rues et itinéraires les plus empruntés, engageant des frais importants, tant pour les travaux que pour l'entretien : ces travaux de voirie sont financés soit sur les deniers publics, soit par une contribution privée.
Les mesures d'assinissement ont souvent un caractère répressif et donnent parfois lieu à des procès. Par exemple, il est interdit de jeter les eaux usées par les fenêtres, du moins de jour ou sans avoir averti préalablement les passants en criant trois fois : «Gare à l'eau ! Gare ! Gare !»
La répétition de ces mesures prouvent la difficulté de leur application.
D'autres décisions sont  plus efficaces, telle la mise à disposition de dépotoirs, la construction de gouttières, ou l'installation d'égouts (autrement appelés "conduits de merderons"). Ces égouts sont souvent la prolongation des rigoles à ciel ouvert dont la nuisance visuelle, odoriférante et hydrique est importante.
La création d'un service d'éboueurs hebdomadaire constitue le dernier progrès.

Les rues se mettent à porter un nom dans les villes pour faciliter leur desserte : ce nom est fortement à évocation religieuse, ou lié à des ouvrages civils et militaires; il exprime également la vie économique à travers les métiers qui y sont pratiqués (ex. rue des Forgerons); il peut être en rapport avec la topographie (ou est formé d'un calembour comme la rue des Corps-Nuds sans Testes à Amiens, c'est-à-dire des veaux). Plus rares sont les noms patronymiques.
Or, ces rues ne possèdent pas de plaques d'identification, et comme les noms changent souvent ou se dédoublent, il est parfois difficile de trouver son chemin.
La décoration peut constituer un moyen d'identification comme les montjoies ou les peintures murales. Les enseignes donnent également une indication, et leur avantage est d'être compréhensibles par les illettrés; elles ne sont pas seulement réservées aux auberges ou tavernes.
Il existe des zones champêtres en ville, composées de clos de vigne, de cultures maraîchères, de marais, qui donnent leur nom à un quartier.

Les artisans et boutiquiers travaillent sous l'oeil des passants. Certains métiers sont groupés par nécessité matériel ou technique (ex. les tanneurs, meuniers...) soit par obligation pour faciliter les opérations de contrôle (les changeurs...). d'autres sont dispersés car leur présence est indispensable dans chaque quartier (les boulangers...).
A ces activités empiétant le pavé, viennent s'ajouter dès l'aube les petits métiers ambulants qui emplissent les rues de leurs cris (équivalant à nos réclames) déclenchant pendant des heures une cacophonie assourdissante: crieurs publics ou privés, marchands ambulants, colporteurs...
Des travailleurs saisonniers viennent également proposer leurs services et sont mal vus par les travailleurs sédentaires à cause de leur concurrence et du soupçon qui pèsent sur eux de ne pas respecter la réglementation.

La rue au Moyen Âge de Jean-Pierre Leguay
La rue marchande - Livre du gouvernement
des princes, déb. XVIè s. - musée de l'Arsenal, Paris

Les rues connaissent un surplus d'animation les jours de marchés ou de foires, les jours de fêtes ou de processions...

Mais la rue est également le théâtre de violences physiques ou verbales, exacerbées par la boisson ou les rumeurs. Toute une faune marginale et hétéroclite y grouille : mendiants, délinquants, ou tout simplement déclassés, chômeurs, catégories professionnelles méprisées (qui changent d'une ville à l'autre : poissonniers en Bretagne, cordonniers ailleurs, etc...).
Certaines catégories raciales ou professionnelles sont regroupées dans des quartiers spécifiques et tenues à porter un signe d'infamie (tels les Juifs ou les prostituées).
L'insécurité règne dans la rue, entraînant des mesures de sécurité et de répression. Une chasse est faite à la mendicité et au vagabondage, entraînant expulsions et banissement. Les étrangers sont mal vus : à Nantes, ils sont tenus d'obtenir une autorisation pour séjourner plus de 24 heures; à Rennes, leur présence doit être signalée par l'aubergiste qui les héberge !

La rue au Moyen Âge de Jean-Pierre Leguay
La ville de Paris - Vie de Saint Denis, 1317 - BnF, Paris

Pour conclure, c'était une lecture très instructive (malgré un premier chapitre assez laborieux !). C'était palpitant de voir revivre sous nos yeux toute une société urbaine, avec ses codes moraux, ses règlementations professionnelles, ses troubles et ses jours de fêtes ! Nous qui nous plaignons de notre vie de citadins stressante et bruyante, nous échappons à la cacophonie, la promiscuité entraînant un manque total d'intimité, les commérages parfois nuisibles, la pestilence, la pollution visuelle, olfactive et hydrique (bon, nous avons notre pollution industrielle et chimique !^^), la suspicion, les enfants abandonnés dans les rues, bref tout ce qui émaillait la vie de nos ancêtres médiévaux...

Appréciation :

note : 4 sur 5

divers

Livra'deux pour pal'Addict

Ma 3ème participation, cette fois avec XL;

La rue au Moyen Âge de Jean-Pierre Leguay

Ma 1ère participation au challenge d'Hérisson -

La pourpre et l'or - Murena T1 - de Dufaux et Delaby

Ma 16ème participation au challenge de Lynnae

 

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babelio

2 commentaires:

  1. très instructif en effet et finalement une lecture plaisir si j'en crois ton commentaire

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  2. Oui, c'était un régal de découvrir cet aspect de la vie médiévale... avec des moments cocasses à la découverte de certains noms de rue ou certaines mésaventures de voyageurs...  

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