samedi 19 juillet 2014

Ida Brandt de Herman Bang

Ida Brandt de Herman Bang

Fiche détaillée

  Auteur > Herman Bang
Editeur > Phébus
Collection > Littérature étrangère
Genre > Classique
Date de parution > 1896 pour l'édition originale , 2013 pour la présente édition
Préface > Jens Christian Grøndahl
Titre original > Ludvigsbakke
Nombre de pages > 319
Traduction > du danois par Elena Balzamo

auteur
(sources : Wikipédia)

Herman Bang
Herman Joachim Bang
est un écrivain et journaliste danois, né le 20 avril 1857 à Als, Jutland, mort le 29 janvier 1912 (à 54 ans) à Ogden, Utah.

Fils de pasteur presbytérien, Herman Bang fut très tôt orphelin de mère. Toute sa vie, il en ressentit une certaine frustration qui transparaîtra dans son œuvre et notamment dans son premier roman Haabløse slægter (Familles sans espoir) écrit en 1880 et qui lui valut un procès pour atteinte aux bonnes mœurs.
Herman Bang fut également journaliste littéraire dont les articles paraîtront dans divers recueils, les premiers ont été édités alors qu'il avait à peine 20 ans.
La deuxième moitié des années 1880 le vit séjourner à l'étranger (Berlin, Vienne, Prague) d'où il écrivit de nombreux articles pour la presse danoise. Ces années furent les plus prolifiques d'Herman Bang : Haabløse Slægter (Familles sans espoir), 1880 ; Excentriske Noveller (Nouvelles excentriques), 1885 ; Ved Vejen (Au bord de la route), 1886 ; Stuk (Stuc), 1887 ; Under Aaget (Sous le joug), 1890 ; Ti Aar (Dix ans), 1891 ; Mikaël, 1904 ; De uden Fædreland (Les Sans-Patrie), 1906.
Influencé dans ses premiers romans par le naturalisme français, il évoluera ensuite vers l'impressionnisme. Ses œuvres décrivent des existences manquées ou malheureuses. Homosexuel, refoulé par les codes moraux de l'époque, ses sentiments transparaissent dans les relations hétérosexuelles de ses personnages. Il est considéré comme l'un des maîtres de la littérature danoise en ce qui concerne les descriptions de portraits psychologiques féminins.
Il est mort aux États-Unis où il s'était rendu pour une tournée de conférences.
Il fut plusieurs fois adapté au cinéma.

quatrieme de couverture

Ida Brandt est de ces jeunes filles que l’on met facilement de côté. De celles, dociles, qui savent se faire oublier. Elle possède pourtant l’élégance de sa classe et la générosité de cœur des honnêtes gens. Enfant, déjà, sa gentillesse intriguait, mais devenue adulte, son dévouement paraît quasi suspect. Trop altruiste pour être acceptée par la bourgeoisie danoise à laquelle elle appartient, trop riche pour ses collègues infirmières, Ida Brandt peine à trouver sa place dans la société. Jusqu’à l’amour fou, celui qui dépasse les préjugés, qui laisse la beauté parler… mais n’est-il pas seulement le fruit de sa naïveté ?
Un roman intense, publié en 1896, par lequel Herman Bang affirmait vouloir « exprimer par les mots la douleur de ceux qui ne se plaignent jamais », et dont Jens Christian Grøndahl salue l’éternelle modernité.

première phrase

"Le garçon de salle était venu chercher les trois malades réquisitionnés à la cave à provisions."

avis personnel

Ida et Karl se connaissent depuis l'enfance, leurs pères respectifs étant M. Brandt , le régisseur du domaine «Ludvigsbakke» (qui est le titre original du roman) et M. von Eichbaum, le propriétaire, conseiller d'Etat de son emploi.
A la mort de son père, Ida est obligée de quitter le domaine avec sa mère pour s'installer dans la petite ville de Horsens, mais elle retrouve Karl quelques années plus tard à l'hôpital de Copenhague où la jeune fille travaille en tant qu'infirmière et où le jeune homme vient d'être embauché comme comptable.
Inévitablement, Ida tombe amoureuse de ce séduisant mais paresseux jeune homme, qui s'est fait recaler à tous ses examens et mène une vie dissolue. Elle lui prête de l'argent pour payer ses dettes, l'invite au restaurant. Bien que la jeune fille soit riche, son statut social la place toujours dans un rôle de domestique aux yeux des bourgeois qu'elle fréquente.
Les von Eichbaum ont beau connaître des problèmes financiers qui les poussent à vendre leur domaine campagnard, la mère de Karl s'échine à sauvegarder les apparences... et elle a d'autres projets pour son fils qui vit toujours sous son toit.

 Je dois avouer que les débuts de lecture furent difficiles : on a l'impression de se noyer sous la multitude des noms des personnages dont la consonance, de surcroît, ne nous est pas habituelle, d'autant que la narration a l'air décousue.
La longue lettre qu'Olivia Franck, l'amie d'Ida, lui écrit au 1er chapitre en égrenant leurs souvenirs est d'un profond ennui.
Autant que le flash-back qui suit et qui fait défiler une farandole de personnages, certains extrêmement bavards :
M. Brandt, le régisseur ; Marianne, sa femme, d'origine paysanne ; Schrøder, la gouvernante ; Mme Morgensen, la femme du pharmacien ; Mme Muus, la coquette épouse de l'huissier ; Sørensen, le receveur municipal ; Mme Lund, la femme du garde-chasse ; et toutes les collègues d'Ida... c'en est étourdissant et l'on se perd parmi tous ces visages et toutes ces paroles...


Mais curieusement, le charme finit par agir.
C'est sûrement dû au fait que c'est un roman sensoriel où l'auteur n'explique pas ni ne décrit vraiment ce qui se passe mais montre les gestes, le regard, le ton, les paroles, laissant le lecteur s'en imprégner pour mieux deviner.


La vie d'Ida s'est toujours partagée idylliquement entre le domaine «Ludvigsbakke» et l'hôpital de Copenhague, deux endroits qu'elle chérit mais qui apparaissent opposés, entre la douceur des souvenirs évoqués pour le 1er en contraste  avec l'agitation liée à son travail avec les malades et les cris des patients pour le 2ème. Or, Ida rêve d'un 3ème refuge : un appartement qu'elle louerait pour Karl et elle afin de faciliter leurs rencontres. Malheureusement, Karl fuit toute discussion à ce sujet ; pire même, il échappe progressivement à la jeune fille pour se mettre à fréquenter assidûment Kate Mourier, la fille d'un négociant enrichi, belle et hautaine, et qui a des vues sur lui.
Karl s'avère médiocre, opportuniste et lâche, Ida n'ayant jamais été pour lui qu'un moyen de satisfaire ses besoins financiers et charnels. Car dans ce Danemark de la fin du XIXème siècle, les clivages sociaux ne peuvent être dépassés. La scène finale du livre est à ce titre glaçante : lors d'un dîner chez Mme von Eichbaum, Ida est reléguée en bout de table, traitée avec une condescendance amicale, sollicitée pour passer les plats ; d'ailleurs, elle finit dans la cuisine à laver les tasses. Elle subit cette humiliation sans se plaindre, mais transformée physiquement "comme si la robe jaune était soudain devenue trop ample, comme si le corps paré de ce vêtement était dépourvu de vie, comme si les cheveux frisés au-dessus du front étroit n'étaient qu'un postiche..." (page 310).
Ida est une déclassée sociale, trop riche pour être acceptée par ses collègues infirmières à l'hôpital, pas assez bien née pour être acceptée dans la société bourgeoise de Karl et de sa mère, mais "Une de ces rares personnes qui connaissent leur place", selon la phrase cruelle et définitive de Mme von Eichbaum (page 310).

Ida Brandt est aussi un roman sur la condition féminine, où les femmes célibataires n'ont pas un statut par elles-même, et doivent travailler ou se marier pour exister.

C'est aussi un roman sur l'opposition entre deux types de caractère : ceux qui se laissent manipuler et ceux qui manipulent. Ainsi, Ida se classe dans la 1ère catégorie. Enfant discrète et dévouée, elle a grandi entre un père tendre et une mère autoritaire ; elle est ensuite étouffée par sa mère devenue veuve et impotente dont elle accepte sans broncher le comportement tyrannique ; plus tard, elle se dévoue corps et âmes à l'homme qu'elle aime jusqu'à mettre sa réputation et sa fortune en danger, puis assiste impuissante à son abandon progressif sans jamais oser s'y opposer ! Modèle d'abnégation et de modestie, elle subit son destin d'un bout à l'autre du livre...

Le roman a une fin ouverte. Il est difficile de savoir si Ida réussit à surmonter la trahison de Karl grâce à son travail ou si elle se termine par un suicide.

Pour conclure, j'ai été ravie de découvrir ce roman, même si mes craintes du début m'avaient laissé envisager le pire. Le lecteur se sent progressivement captivé par la peinture de cette bourgeoisie oisive et vaine, guidée par ses préjugés de caste, que soulignent des dialogues abondants et superficiels. On se sent profondément touché par l'impuissance et la douleur muettes d'Ida, bien mal récompensée de son altruisme et de sa gentillesse.

Appréciation :

note : 4 sur 5

extrait

  Entre temps, Karl, qui regardait Ida avec insistance, sans réussir à capter son regard, effleura, comme par hasard, sa joue avec l'extrémité de sa cravache, doucement, presque imperceptiblement. Elle leva les yeux vers lui, un regard bref, rapide comme un éclair...(...)
... Ce beau sourire qu'elle avait lorsqu'elle avait levé le regard vers ce grand dadais...
Ida avait regagné sa chambre. Elle avait salué le portier et échangé quelques mots avec Joséphine croisée dans l'escalier - ces derniers temps, ses jupes froufroutaient particulièrement fort -, et, une fois dans sa mansarde, elle se dépêcha de fermer la fenêtre. Elle était toujours sous l'emprise de cette unique sensation : le bout de la cravache de Karl lui effleurant délicatement la joue...
(page 239-240-241)

divers

 

Challenge "Un classique par mois"

Le  2ème classique du mois de juillet pour le challenge organisé par Stephie.

Challenge "Virée européenne" organisé par BouQuiNeTTe

Ma 2è participation au challenge de BouQuiNeTTe - séjour au Danemark
D'autres billets sur le Danemark :  Salhuna ♦ Ichmagbücher ♦ Helran ♦ livraline : 1ère lecture2è lecture ♦ Vashta Nerada ♦ delphinema09 ♦ mamzellefrogJulie 86 ♦ Sharon ♦ Nnyl ♦ Vepug ♦ ... ♦

le tour du monde en 8 ans

Ce billet est ma 12è participation au challenge d'Helran - cette escale compte pour le Danemark

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vendredi 18 juillet 2014

Le Cristal de Chasse de Roudier - Néandertal, tome 1

Le Cristale de Chasse d'Emmanuel Roudier - Néandertal, tome 1

Fiche détaillée

Scenario > Roudier
Dessin > Roudier
Couleur > Roudier
Editeur > Delcourt
Collection > Histoire & Histoires
Série > Néandertal
Genre > BD préhistorique
Date de parution > 2007
Nombre de planches > 54

auteur
(sources : Wikipédia & Bédéthèque)

Emmanuel RoudierEmmanuel Roudier, né dans la région parisienne en 1971 est un auteur de bande dessinée français.
Diplômé d’arts appliqués à l’ENSAAMA en 1992, il travaille dans un premier temps en tant qu’illustrateur pour la presse jeunesse et scientifique. Il publie ensuite des BD ayant pour cadre la Préhistoire, avec la saga Vo'Hounâ (4 tomes parus de 2002 à 2013), Neandertal (3 tomes parus de 2007 à 2011) et l'adaptation en BD du roman La Guerre du feu de J.-H. Rosny (depuis 2012).
Parallèlement à ses activités d’auteur de bandes dessinées, Emmanuel Roudier travaille aussi comme illustrateur en préhistoire, pour des publications papier ou audiovisuelles, scientifiques ou de fiction. Sur un texte de Claire Troilo, il illustre un album jeunesse : Ao, le petit Neandertal (2010, Milan). Il est également auteur de jeu de rôle : Würm, jeu de rôle dans la préhistoire (2011, Icare), a obtenu le Grog d’Or en 2012. Le travail d’Emmanuel Roudier a fait l’objet de nombreuses expositions dans les plus prestigieux musées d’archéologie et de Préhistoire, en France et à l’étranger. Emmanuel Roudier vit actuellement dans l’Hérault.
blog de l'auteur -

quatrieme de couverture

 Il y a 50 000 ans,
la tribu des Torses rouges campe à l'orée d'une caverne.
Au sein de cette tribu vit Laghou, artisan habile mais boiteux.
Tenu à l'écart des chasses dangereuses, Laghou est raillé
et malmené par les puissants chasseurs de son clan.
Pourtant, par un cruel caprice des Esprits,
il va devoir accomplir ce que nul n'a jamais accompli :
vaincre le terrifiant LongueBarbe.

avis personnel

Avec cette BD, Emmanuel Roudier nous invite à la quête initiatique d'un jeune Néandertalien, Laghou, façonneur d'outils talentueux mais méprisé par les chasseurs de sa tribu à cause d'une malformation qui l'a rendu boiteux.
Sa vie bascule le jour où son père et chef de la tribu, Mulghar Poing-de-Pierre, est ramené mortellement blessé de la chasse durant laquelle il a affronté LongueBarbe, le monstrueux bison noir. Sur son lit de mort, il arrache la promesse à ses cinq fils, Kozamh, Feydda, Gohour, Huor et Laghou, de le venger pour aider son esprit à trouver son chemin dans les mondes souterrains sous peine d'être maudits !
Ecarté de l'expédition punitive, Laghou assiste en secret à la chasse, et à la trahison de ses frères. Il décide alors d'accomplir la volonté de son défunt père et quitte la tribu pour acquérir le légendaire cristal de chasse auprès du clan de la Lune, seule arme capable de vaincre ses ennemis...

Si le début est assez ardu, suite à l'abondance des personnages dont les noms, peu  usuels et rugueux, et les faciès, très néandertaliens et assez similaires, nous demandent un certain temps d'adaptation pour ne plus confondre les protagonistes, on se sent ensuite complètement happé par l'histoire.
L'intrigue, bien que classique, a l'intelligence d'éviter tous les clichés sur les Néandertaliens, bien maltraités d'une manière générale par les histoires et l'Histoire ! Jusqu'au langage que l'auteur met dans la bouche de ses personnages, évolué et évocateur. Personnellement, cela ne m'a pas dérangée que ceux-ci s'expriment aussi bien (mieux que certains de nos concitoyens !^^)...
Emmanuel Roudier a le souci du détail et l'on sent qu'il s'est documenté pour écrire son histoire. Le héros évolue dans un décor grandiose, à la nature encore sauvage et intacte, totalement immersif pour le lecteur ! Les planches sont effectivement magnifiques, se succédant parfois sans aucun dialogue, mais tellement évocatrices qu'elles se suffisent à elles-même !

Bref, une véritable réussite et un réel plaisir pour les yeux... Et cerise sur le gâteau : j'ai adoré les scènes avec la louve pleine et solitaire qui semble avoir craqué pour le héros... au grand désespoir de la belle Mana, la guérisseuse du clan de la Lune !

Appréciation :

note : 4 sur 5

Mes autres avis sur la saga : tome 2 ♦ tome 3

extrait

 Le Cristal de Chasse de Roudier - Néandertal, tome 1   Le Cristal de Chasse de Roudier - Néandertal, tome 1

divers

Défi "La guerre du feu"

Ma 7ème participation au défi "La Guerre du feu"

 

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jeudi 17 juillet 2014

Captifs et corsaires : l'identité française et l'esclavage en Méditerranée de Gillian Weiss

Captifs et corsaires : l'identité française et l'esclavage en Méditerranée de Gillian Weiss

 Merci à
babelio

et aux éditions  

Captifs et corsaires : l'identité française et l'esclavage en Méditerranée de Gillian Weiss

pour ce partenariat !

Fiche détaillée

 Auteur > Gillian Weiss
Editeur > Anacharsis
Collection
> Essais, série "Histoire"
Genre > essai historique
Date de parution
> 2011 pour l'édition originale, 2014 pour la présente édition
Titre original
> Captives and Corsairs : France and Slavery in the Early Modern Mediterranean
Nombre de pages
> 408
Traduction > de l'anglais par Anne-Sylvie Homassel

auteur

 Gillian Weiss est professeur d’histoire à la Case Western Reserve University de Cleveland.

Elle travaille sur l’histoire de la Méditerranée moderne et notamment sur ses rives françaises, ainsi que sur la question de l’esclavage.

quatrieme de couverture

Captifs et corsaires n’est pas seulement un livre qui relate l’histoire des affrontements entre la France et les Barbaresques de 1550 à 1830, date de la conquête d’Alger par la France ; c’est un tour de force.

En réglant sa focale sur les milliers de captifs français réduits en servitude dans les cités corsaires d’Afrique du Nord (au Maroc, Alger, Tunis et Tripoli) durant ces trois siècles, ce sont, en retour, de vastes pans de l’histoire de France que Gillian Weiss éclaire d’un jour nouveau.

Car elle démontre comment ces captifs, au statut incertain et toujours susceptibles de renier leur foi ou leur allégeance politique, contraignirent l’État à reconfigurer les caractères de l’identité française et à étendre son emprise sur ses régions périphériques.

Et par l’attention qu’elle porte à l’évolution de l’esclavage – d’abord considéré comme un accident de la vie, il sera peu à peu racialisé –, elle dévoile la façon dont la tortueuse lutte pour son abolition, ici en l’espèce « l’esclavage des Blancs », a pu conduire à une légitimation de la colonisation.

Un ouvrage stimulant qui, en faisant une histoire de l’idéologie de l’émancipation par la conquête, résonne de multiples échos.

avis personnel

La piraterie barbaresque n'est pas la plus connue. Et pourtant, elle frappa les chrétiens durant 3 siècles, faisant des milliers d'esclaves capturés lors de raids sur les côtes méditerranéennes ou lors d'attaques contre les navires venant d'Europe.

Dans ce livre, l'auteure s'attache spécialement à nous décrire le sort de ces captifs, qui parfois durent attendre plusieurs décennies avant d'être libérés, les modalités de leur libération ainsi que le rôle de l'Etat et l'évolution de la perception des chrétiens sur l'esclavage.  Personnellement, je m'attendais à ce que les thèmes abordés soient plus larges et touchent également aux pirates, ou soient plus descriptifs quant aux conditions de détention; malgré cette petite déconvenue, j'ai apprécié ma lecture qui a été très instructive.

Or donc, la période abordée couvre 3 siècles, de 1550 à 1830, année où la conquête d'Alger mit définitivement fin aux exactions des Barbaresques (c'est-à-dire les corsaires dont les bases se situaient à Alger, Tunis, Tripoli, et au Maroc, alors sous domination ottomane).

De 1550 à 1650, le roi ne se préoccupe pas vraiment du sort des captifs dont le rachat est entièrement supporté par les congrégations religieuses, les familles ou les régions dont sont originaires les victimes. Dans le but d'être libérés plus rapidement en limitant le prix de leur rançon, les esclaves cherchent donc à dissimuler tout signe de richesse. Il existe en outre une hiérarchie dans le traitement des rançons : sont prioritaires les femmes, les vieux, les infirmes, les chefs de famille, les marchands et les marins. Même les protestants sont rachetés dans l'espoir de les ramener sur le chemin de la vraie foi !

Captifs et corsaires : l'identité française et l'esclavage en Méditerranée de Gillian Weiss
Les femmes, intermédiaires dans les versements de rançons d'esclaves.
«Le Rachat de l'esclave», gravure de Jacques Aliamet (1785) © Musée national de la Marine

Puis le roi, s'inquiétant des risques qui les exposent à "la peste, la sodomie et l'islam", intervient de plus en plus dans le processus de libération. A partir des années 1680-1690, il commence à avoir les moyens de protéger ses sujets, même si les bombardements successifs contre Alger n'ont pas entraîné la capitulation des cités-corsaires, ils ont néanmoins conduit à la libération d'une centaine d'esclaves français. Après la révocation de l'édit de Nantes les esclaves français protestants ne peuvent plus compter que sur leurs coreligionnaires d'autres pays pour obtenir leur affranchissement, le roi de France profitant de leur captivité pour exclure ces déviants religieux du royaume.
A partir des années 1700, la libération des esclaves français devient une affaire d'Etat qui effectue des libérations massives, que ce soit par le paiement de rançons ou par l'échange de prisonniers musulmans, enchaînés sur les galères royales. Une injonction est d'ailleurs faite aux voyageurs s'aventurant en Méditerranée, leur demandant de se munir de certificats attestant leur qualité de "Français et regnicole" dans le but de permettre leur rachat.

Captifs et corsaires : l'identité française et l'esclavage en Méditerranée de Gillian Weiss
Mercédaires exhibant des esclaves rachetés à Louis XIV, gravure de Franz Erlinger (1685)
- Paris, Bibliothèque Mazarine

Les asservissement se calment en Barbarie au XVIIIème siècle pour reprendre de plus belle après la Révolution à la suite des conquêtes  françaises successives en Europe. 
Au début du XIXème siècle, l'Angleterre et la France souhaitent unir leurs forces pour se débarrasser de la piraterie et de l'esclavagisme en Afrique du Nord par la colonisation, mais c'est la France qui finalement passe à l'acte en conquérant Alger en 1830.

Concernant les conditions de détention des esclaves, elles sont toujours difficiles mais sont plus mortifères selon l'emploi (galériens, marins), l'endroit (le Maroc est réputé infliger un traitement cruel à ses esclaves) ou les maîtres.
Si bien que certains captifs sont tentés de se convertir à l'islam pour échapper à leur misérable condition. On se convertit donc par opportunisme, généralement en raison de sa grande jeunesse, mais parfois également par dogmatisme, d'autant que la conversion s'effectue aisément : on récite sa courte profession de foi, on se rase la tête, on porte des vêtements turcs et un nom arabe, et étape la plus douloureuse, on subit la circoncision !
D'ailleurs l'évasion,risquée et trop peu souvent couronnée de succès, n'entraîne pas beaucoup de vocations, car si l'on est repris, on se voit couper le nez, les oreilles ou la langue... ce qui donne à réfléchir...

Ensuite, quand on a la chance d'être libéré, le retour en France se déroule toujours selon les deux mêmes rituels de réintégration : la quarantaine  à Marseille et une procession religieuse à travers le pays durant 3 mois, destinées à laver les anciens esclaves de toute souillure physique ou spirituelle.

Captifs et corsaires : l'identité française et l'esclavage en Méditerranée de Gillian Weiss
Une procession d'esclaves rachetés. «Processie des Verloste Slaauen»,
gravure de Jan Luyken (1684) © Musée national de la Marine

Enfin, la perception sur l'esclavage a évolué à travers le temps. Jusqu'au XVIIIème siècle, la perte de sa liberté en terre de Barbarie était considérée comme un accident de parcours, une malheureuse infortune (symbolisés par les récits romanesques sur la Barbarie ou les mémoires d'anciens captifs du XVIIè siècle qui ont eu beaucoup de succès à l'époque), puis l'idée de l'esclavage s'est racialisée, malgré les satires dénonçant au siècle des Lumières la dégénérescence des moeurs françaises, l'esclavage noir dans les Antilles (dont les victimes sont mises sur un pied d'égalité avec les esclaves blancs d'Afrique du Nord) et l'hypocrisie des Blancs. Mais Napoléon, à son avènement,  rétablit l'esclavage noir pour se focaliser sur la libération des esclaves blancs, entérinant ainsi cette nouvelle vision selon laquelle une race pourrait être inférieure à une nôtre et destinée à l'esclavage !

 Pour conclure, un livre très intéressant sur la consolidation de l'identité française à travers le rachat des captifs français. C'est très détaillé, très documenté, que ce soit en notes de bas de page ou en appendices en fin d'ouvrage. En plus, j'ai appris des choses qui m'ont beaucoup surprise : par exemple, la France considérée comme terre de liberté "de temps immémorial" par ses représentants permettait l'affranchissement immédiat de tout esclave qui posait le pied sur le sol de la métropole ; ainsi, en 1552, le duc de Guise refuse pour ce principe de rendre à un Espagnol son esclave turc ; Henri III libère également des esclaves turcs échoués d'une galère espagnole sur les côtes françaises en déclarant que "seuls les criminels sont envoyés en galère" ; ce principe de liberté s'appliquait également aux esclaves noirs en provenance des Antilles, bien que des détournements aient eu malheureusement lieu pour s'en prémunir...

Je remercie les éditions Anacharsis ainsi que Babelio pour ce partenariat !

Appréciation :

note : 4 sur 5

divers

La pourpre et l'or - Murena T1 - de Dufaux et Delaby

Ma 32ème participation au challenge de Lynnae -

Challenge "A l'abordage" organisé par Ivy-Read

Ma 2è participation au challenge d'Ivy-Read.

 

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mercredi 16 juillet 2014

Lady Susan de Jane Austen

Lady Susan de Jane Austen

Fiche détaillée

 Auteur > Jane Austen
Editeur > Hachette
Collection > Black Moon
Genre > nouvelle épistolaire classique
Date de parution > 1871 pour l'édition originale , 2013 pour la présente édition
Titre original > Lady Susan
Format > ePub
Poids du fichier > 473 Kb (116 pages)
Traduction > de l'anglais par Michel Laporte (2013)

auteur
(sources : Evene)

Catherine Morland de Jane Austen Née en 1775 au sein d'une famille appartenant à la bourgeoisie provinciale, Jane Austen a utilisé la cruauté du verbe et de sa langue subtilement pendue pour décrire le mode de vie de ses contemporains à travers ce qui semble être des histoires d’amour so british. La jeune Jane grandit dans une famille de pasteurs, entourée de huit frères et soeurs. Bien que vivant modestement, George et Cassandra Austen initient leurs enfants à l'amour de la lecture et la connaissance des arts. Dès l'âge de 11 ans, Jane écrit. Son éducation ainsi que celle de sa soeur Cassandra, dont elle restera très proche jusqu'à sa mort, se fera principalement dans le domaine familial. Elle se met à l'écriture de parodies sentimentales avant de se consacrer aux romans Northanger AbbeyRaison et sentiment et Orgueil et préjugés entre 1795 et 1798. En 1801, la famille Austen s'installe à Bath et quatre ans plus tard, le père de Jane décède : l'auteur ne se mariera pas, tout comme sa soeur Cassandra, et consacrera sa vie à l'éducation de ses neveux et nièces. Raison et sentiment, Orgueil et préjugés et Mansfield Park sont publiés successivement en 1811, 1813 et 1814. Elle laisse derrière elle un roman inachevé, Sanditon, emportée par la phtisie à l'âge de 41 ans (1817). L'auteur ne connut pas le succès en son temps et ne fut redécouvert qu'à la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, son talent de peintre des moeurs et de la province anglaise font d'elle un des auteurs pré-victoriens les plus connus et des plus mordants.

quatrieme de couverture

Lady Susan est veuve. Afin d’assurer son avenir, elle voudrait marier sa fille de seize ans à Sir James Martin, un homme riche et stupide. Mais à trente-cinq ans, Susan, brillante manipulatrice, est également une très jolie femme qui en paraît dix de moins. Pourquoi ne pas se chercher, elle aussi, un deuxième époux ? Et les prétendants ne manquent pas. Car Susan s’est forgé une réputation de séductrice sans vergogne, n’hésitant pas à entretenir une relation avec un homme marié tout en courtisant d’autres hommes, plus jeunes qu’elle…

première phrase

"Je ne peux pas me refuser plus longtemps le plaisir de profiter de la gentille invitation que vous m'avez faite lors de notre dernière séparation de passer quelques semaines avec vous à Churchhill."

 avis personnel

Lady Susan est une oeuvre de jeunesse de Jane Austen, écrite sous forme de roman épistolaire entre 1793 et 1795. Il ne fut publié qu'en 1871, soit 54 ans après la mort de l'auteure et est très différent de ses autres ouvrages, tant par la forme que par le ton qui est profondément cynique.

L'intrigue tourne autour de la belle et spirituelle Lady Susan, veuve désargentée de fraîche date, obligée de se réfugier à la campagne chez son beau-frère après avoir semé la discorde chez la famille londonienne qui l'hébergeait. Car Lady Susan est une incorrigible coquette qui, non contente d'avoir séduit le mari de son hôtesse, M. Mainwaring, a également détaché le riche et sot Sir James Martin de sa fiancée, Miss Mainwaring, car elle le destine à sa fille de 16 ans, Frederica, terrorisée à cette perspective de mariage.

Lady Susan de Jane Austen
Clarissa, 1887 de John Everett Millais

Précédée de sa sulfureuse réputation et dans un esprit de revanche, elle se fait un jeu de séduire le jeune Reginald de Courcy, le frère de sa belle-soeur Mme Vernon, qu'elle sait tous les deux prévenus contre elle.

 ... notre compagnie s'est accrue du frère de Mme Vernon, un charmant jeune homme qui me promet un peu d'amusement. Il y a quelque chose en lui qui m'intéresse assez, une sorte d'impertinence et de familiarité dont je lui apprendrai à se corriger. Il est vivant et semble intelligent, et quand je lui inspirerai un respect plus grand que celui que les bons offices de sa soeur lui ont inspiré, il pourra faire un galant agréable. Il y a un plaisir exquis à soumettre un esprit insolent, à faire admettre sa supériorité par une personne résolue de prime abord à ne pas vous aimer.
Je l'ai déjà déconcerté par ma tranquille réserve, et je vais faire de mon mieux pour rabaisser encore l'orgueil de ces prétentieux de Courcy, démontrer à Mme Vernon que ses mises en garde fraternelles ont été dispensées en vain et convaincre Reginald qu'elle lui a outrageusement menti sur mon compte. Ce projet servira au moins à m'amuser.
Lettre VII. Lady Susan Vernon à Mme Johnson.

 Lady Susan est indéniablement la petite soeur de la marquise de Merteuil des Liaisons dangereuses dont le récit se rapproche par la forme et le thème abordé. Les Liaisons dangereuses ayant été publiées en 1782, je ne peux m'empêcher de penser que Jane Austen en a eu connaissance tant les deux héroïnes se ressemblent.  Femme d'une grande beauté, machiavélique, manipulatrice, séductrice, calculatrice, libertine, Lady Susan possède, comme son modèle français, les mêmes traits de caractère, en moins pervers, et s'efforce avec plus ou moins de succès d'offrir le visage de la vertu à la société qu'elle fréquente. Contrairement à Merteuil, sa réputation n'est pas inattaquable et elle est parfois obligée d'user de son éloquence pour faire taire les médisances à son encontre. Car si les hommes, peints comme des benêts faibles et influençables, succombent facilement à ses charmes, il n'en va pas de même des femmes qui ont percé à jour sa véritable nature.

Lady Susan de Jane Austen

Le lecteur assiste donc à travers la correspondance croisée de 41 lettres au bras de fer qui s'est engagé entre Lady Susan et Mme Vernon, déterminée à protéger sa famille des manigances de la belle intrigante.
Alors, Mme Vernon réussira-t-elle à contrecarrer l'influence néfaste de sa belle-soeur ? Frederica échappera-t-elle aux projets matrimoniaux de son abusive de mère ? Reginald de Courcy ouvrira-t-il enfin les yeux sur cette femme dénuée de tout scrupules dont il s'est follement épris ?

Les lettres donnent du rythme au récit et enfièvrent la curiosité du lecteur qui est littéralement médusé par l'aplomb dont fait preuve Lady Susan. Cette femme, jouissivement odieuse, triomphe à chaque fois de ses adversaires alors que sa situation semblait irrémédiablement compromise.

Dommage que le dénouement soit traité d'une manière un peu trop expéditive à mon goût (j'ai d'ailleurs l'impression que les conclusions ne sont pas le point fort de Jane Austen) car j'aurais aimé m'attarder à Churchhill, le domaine des Vernon. Lady Susan est une héroïne vraiment à part dans l'univers de Jane Austen, bien loin de la bienséance à laquelle on était habitués. Dès la deuxième lettre, elle apparaît comme une intrigante et une hypocrite, mais elle joue sa partition avec une telle habileté qu'elle en devient fascinante... Du coup, les autres personnages en comparaison semblent vraiment bien fades...

Appréciation :

note : 3 sur 5

extrait

 Quoi qu'il en soit, cependant, j'ai de nouveau Frederica sur les bras. Comme elle n'a rien d'autre à faire pour s'occuper, elle continue dans cette même veine sentimentale qu'elle a initiée à Langford : elle est en train de tomber réellement amoureuse de Reginald de Courcy. Désobéir à sa mère en refusant une proposition de mariage exceptionnelle n'est pas assez pour elle : il faut aussi qu'elle accorde son affection sans l'approbation de cette dernière. Je n'ai jamais vu fille de son âge promettre autant qu'elle de devenir le jouet de l'humanité. Ses sentiments sont assez vifs et elle les montre avec assez de charmante maladresse pour espérer raisonnablement se rendre ridicule et gagner le mépris de tout homme qui la voit.
Lettre XIX. Lady Susan Vernon à Mme Johnson

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