jeudi 25 avril 2013

Mississippi Burning d'Alan Parker

Mississippi burning d'Alan Parker

 

sinopsis

Mississippi, été 1964. Trois jeunes militants des droits civiques, un Noir et deux Blancs, venus établir un centre d'inscription électoral pour les Noirs, disparaissent mystérieusement. Deux agents du FBI, Rupert Anderson, un homme du Sud, souple, avisé et rompu aux méthodes de terrain, et Alan Ward, un yankee cassant et intransigeant, sont chargés de l'enquête. Les méthodes de Ward suscitent de vives réactions de la part du Ku Klux Klan, dont la responsabilité dans l'affaire des disparus ne fait bientôt plus l'ombre d'un doute. La violence éclate. Explosions et incendies défient la loi et ses représentants. Anderson décide de réagir avant qu'il ne soit trop tard...

avis personnel

 Alan Parker nous offre ici un film âpre et violent, qui est également un plaidoyer sans concession contre le racisme et les discriminations.

Nous découvrons cette Amérique profonde à travers les yeux de deux agents du F.B.I. : Alan Ward (Willem Dafoe), le patron, jeune mais expérimenté, Nordiste engagé et intègre, et Rupert Anderson (Gene Hackman), un vieux briscard natif du Mississippi. Leurs méthodes pour résoudre cette affaire s'opposent diamétralement et le jeune n'éprouve que méfiance envers ce vieux sudiste qui ne semble guère indigné par les traditions réactionnaires de cette petite ville du Mississippi.
Ces deux flics symbolisent les différences culturelles et idéologiques entre le Nord et le Sud, qui vont être mises en évidence tout au long du film.
En effet, le racisme est banalisé dans cet état du sud, accepté même par une population blanche qui cherche des boucs-émissaires à sa propre pauvreté, humiliée de se trouver au même niveau que les Noirs pour certains. L'histoire que raconte Anderson à Ward sur la mule de son père est à cet égard édifiante. "Si tu es moins qu'un Noir, tu es moins que rien."
C'est par le biais du personnage joué par Gene Hackman que le réalisateur nous fournit les codes pour comprendre à quel point la ségrégation est ancrée dans les mentalités, à quel point  la situation de haine raciale et les enjeux politiques créent des conditions propices aux troubles et aux dérapages.
Mais le jeune flic, malgré les mises en garde d'Anderson, enchaîne les maladresses - en posant les mauvaises questions, en faisant venir l'armée - qui sont vues comme autant de provocations par les notables WASP (soupçonnés d'appartenir au Ku Klux Klan), ce qui a pour effet d'entraîner une surenchère dans la violence et les brimades à l'encontre de la population noire !
A chaque tentative de Ward pour retrouver les coupables, à chaque avancée de son enquête, le KKK réplique par des intimidations ou des brimades sur les Noirs (incendies de leurs maisons ou de leur église, passages à tabac, lynchage même).
Ces scènes sont insoutenables, déjà visuellement, mais aussi intellectuellement. Pourtant, à aucun moment, le réalisateur ne verse dans la violence gratuite. Mais on prend de plein fouet ce climat de terreur, d'intimidations et d'humiliations qui sont le quotidien des Noirs.
Le pire dans l'histoire, c'est que le Misssissippi forme un état dans l'état : la justice locale est corrompue, au même titre que la police, rendant des verdicts de complaisance à l'encontre des incendiaires arrêtés par le F.B.I., qui avait enfin réussi à vaincre la loi du silence. Loin de décourager Ward, cette mascarade de procès lui fait prendre conscience qu'il va devoir déplacer l'enquête sur le terrain de la justice fédérale en s'appuyant sur la violation des droits civiques.
C'est également à cette occasion qu'il va se rendre compte qu'Anderson est dans son camp et accepter d'utiliser ses méthodes...

Certains pourraient reprocher au film un certain manichéisme : les agents du FBI tenant le rôle des gentils et les Mississipiens celui des méchants. Mais le réalisateur se montre plus subtil qu'il n'y paraît de prime abord, procédant petites touches par petites touches.
Il alterne les scènes de l'enquête avec celles montrant les gens du cru interviewés  par les journalistes attirés par l'affaire. On y trouve les clichés les plus éculés : "Les Noirs, c'est sale et ça pue !" comme des propos plus nuancés ! "La situation est injuste pour les Noirs ."
On assiste également à des meetings sentant le KKK où des familles entières, enfants compris, s'abreuvent de paroles d'intolérance et ouvertement racistes.
Mais on a aussi le personnage de Mrs Peel, la femme du shérif-adjoint, joué par la merveilleuse actrice Frances McDormand. On se demande comment une femme aussi belle, douce et intelligente, ne nourrissant aucune haine envers les Noirs, peut bien couvrir les agissements racistes de son mari. Mais dans le sud, c'est ainsi, la femme obéit à son mari, car le poids des traditions, même passéistes, est plus fort que le sentiment d'injustice.
"Les gens ne naissent pas mauvais, ils le deviennent ! " dit Mrs Peel à Anderson. Puis elle continue plus loin :"On ne naît pas avec la haine, on l'apprend. A l'école, on apprend que la ségrégation fait parti de la Bible. Genèse 9, Verset 27. A sept ans, on croit ce que l'on nous raconte à longueur de temps. La haine, on y croit, on vit avec, on la respire... On se marie avec."

Mississippi Burning est un film coup-de-poing, bouleversant et oppressant, qui nous marque profondément.
Tous les acteurs sont magistraux, habités par leur rôle, qu'il soit secondaire comme principal.

Le seul regret finalement, même s'il donne lieu à des scènes jouissives, c'est que l'on ne peut répondre à la violence que par la violence : les deux fédéraux sont finalement obligés d'utiliser les mêmes méthodes que le KKK pour faire boucler les criminels...

Pour terminer , le film est tiré de faits réels : cela se passait en 1964, Mississippi, Etats-Unis d'Amérique mais c'est un film intemporel, qui nous interpelle et nous fait prendre conscience que nous sommes tous responsables de ce qui se passe chez nous... ou de ce qui pourrait s'y passer.
Je laisse le mot de la fin à Alan Ward : "On n’est pas innocent quand on voit ces horreurs et qu’on fait comme si de rien n’était. Non, il était coupable lui aussi, tout autant que les fanatiques qui ont pressé la détente. Peut-être qu’on l’est tous…"

Et c'est cela qui est terrible. Peut-être qu'on l'est tous...

Appréciation :

note : 5 sur 5

Fiche détaillée

 Réalisateur > Alan Parker
Scénaristes > Chris Gerolmo
Musique > Trevor Jones
Photographie > Peter Biziou
Montage > Gerry Hambling
Décors > Philip Harrison et Geoffrey Kirkland
Production > Frederick Zollo & Robert Colesberry
Société de production > Orion Pictures
Genre > drame
Sortie > 1988
Durée > 128 minutes
Pays d'origine > Etats Unis

Acteurs principaux :
Gene Hackman > Rupert Anderson
Willem Dafoe > Alan Ward
Frances McDormand > Mrs Pell
Brad Dourif > le shérif-adjoint Pell
R. Lee Ermey > le maire Tilman
Gailard Sartain > le shérif Stuckey
Stephen Tobolowsky > Clayton Townley
Michael Rooker > Frank Bailey

bande annonce

 

récompense

Oscar 1989 :
Meilleure photographie

 National Board of Review Awards 1989 :
Meilleur film
Meilleur réalisateur
Meilleur acteur > Gene Hackman
Meilleure actrice dans un second rôle > Frances McDormand

British Society of Cinematographers 1989 :
Meilleure photographie

Berlinale 1989 :
Ours d'argent du meilleur acteur > Gene Hackman

British Academy Film 1990 :
Award de la meilleure photographie
  Award du meilleur montage > Gerry Hambling
 Award du meilleur son > Bill Phillips, Danny Michael, Robert J. Litt, Elliot Tyson, Rick Klinedivers

Challenge "50 états 50 billets" organisé par Sofynet

Ma 3ème participation au challenge de Sofynet - nuitée à Jessup County, comté fictif du Mississippi

 

8 commentaires:

  1. Je connais ce film, je l'ai vu quand j'étais à la fac, et ce sont des images que j'aurais bien du mal à revoir. On a l'impression qu'on nous enfonce le visage dans la boue et qu'on nous y maintient. C'est étouffant. Cela reste tout de même un film superbe, à voir, et à recommander aux jeunes (pas trop jeunes...)

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  2. Je connais ce film, je l'ai vu quand j'étais à la fac, et ce sont des images que j'aurais bien du mal à revoir. On a l'impression qu'on nous enfonce le visage dans la boue et qu'on nous y maintient. C'est étouffant. Cela reste tout de même un film superbe, à voir, et à recommander aux jeunes (pas trop jeunes...)

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  3. L'image que tu utilises est d'une réelle justesse !  C'est ce que j'avais ressenti quand je l'avais vu pour la première fois il y a des années de cela maintenant... Et les acteurs sont vraiment fabuleux ! C'est un film d'utilité publique que l'on devrait passer dans les lycées !

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  4. L'image que tu utilises est d'une réelle justesse !  C'est ce que j'avais ressenti quand je l'avais vu pour la première fois il y a des années de cela maintenant... Et les acteurs sont vraiment fabuleux ! C'est un film d'utilité publique que l'on devrait passer dans les lycées !

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  5. Un film superbe que j'ai vu il y a bien longtemps. Hop, billet ajouté ! Bon week-end . 

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  6. Un film superbe que j'ai vu il y a bien longtemps. Hop, billet ajouté ! Bon week-end . 

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