Merci à
et aux éditions
pour ce partenariat !
Auteur > Sébastien de Courtois
Editeur > Nil
Genre > carnet de voyage
Date de parution > 2013
Nombre de pages > 322
Historien, doctorant à l'École Pratique des Hautes Études, auteur à La Table ronde de "Les derniers Araméens, le peuple oublié de Jésus (Tur Abdin)" en 2004, et de "Chrétiens d'Orient sur la route de la soie : dans les pas des nestoriens" (2007), aussi du "Périple en Turquie chrétienne" (Presses de la Renaissance 2009) et "Le nouveau défi des Chrétiens d'Orient" (JC Lattes 2010). Il est l'auteur de "Turquie biblique" en collaboration avec Damien Guillaume (Empreintes 2011). Sébastien de Courtois est correspondant de presse spécialisé sur la Turquie, le Proche-Orient, et les minorités chrétiennes. Il partage son temps entre Paris et Istanbul.
Un voyage dans l'espace et le temps, de Djibouti à Alexandrie, sous le patronage d'Arthur Rimbaud.
Sébastien de Courtois est né grand voyageur. À l'instar de son ami et compagnon de route Sylvain Tesson, le voyage est pour lui une longue plongée intérieure d'ou l'on n'est pas sûr de revenir... Certains, les « ensablés », y sont d'ailleurs restés.
Sébastien de Courtois est parti en Afrique sans aucune volonté de défi ou d'exploit. Il est même de ceux qui les fuient. Sa démarche ? Laisser surgir le choc du dépaysement. S'ouvrir au monde et à ses habitants, écouter, observer, rencontrer, retrouver le temps long, la fatigue physique provoquée par la marche, les nuits difficiles.
C'est ainsi ouvert au monde, à Djibouti, ce bout de désert au bord de la mer Rouge, que l'auteur a croisé le chemin d'Arthur Rimbaud l'Africain. Après une longue errance, le poète a passé ses dix dernières années en Afrique de l'Est. Il y a cherché la vie hors des livres, hors de sa propre littérature, pour continuer à « danser sa vie », selon ses mots. Il y a développé dans la solitude une activité commerciale entre le Yémen, Djibouti et le royaume d'Éthiopie, en vendant du café, de l'ivoire, de l'or, des produits manufacturés, et des armes.
Sébastien de Courtois a suivi ses traces, jusqu'à Alexandrie, retrouvé les vestiges de son passage, ressenti ses tourments. Il superpose avec beaucoup de talent l'Afrique d'alors et la nouvelle, celle qu'il vit et celle des livres, persuadé que les remèdes du moment sont autant à chercher dans l'expérience vécue que dans la littérature. Et il confirme ainsi cette certitude que chacun possède une histoire universelle.
"J'ai croisé Rimbaud ce matin."
A travers ce récit de voyage, l'auteur superpose l'Afrique telle que l'a connue Rimbaud à celle d'aujourd'hui, l'Afrique des gestes quotidiens immuables à celle de la littérature.
Pour mieux nous imprégner de cette vision polyphonique, Courtois alterne des extraits des lettres que Rimbaud a écrit à sa mère et des citations de Char, Kessel, Levi-Strauss, Cendrars ou ses propres impressions...
Il nous entraîne non seulement sur les traces de Rimbaud mais également sur celles de tous les aventuriers français ou anglais qui se sont risqués avant ou après le poète dans ces contrées arides et hostiles, tels Monfreid dans les années 1910, ou l'anglais Burton, ou bien encore Bardey...
En décembre 1886, Rimbaud est à Tadjoura : il monte une caravane pour amener des armes au roi Ménélik. Rimbaud est un nomade dans l'âme; il a abandonné la poésie à 21 ans pour se jeter dans une vie aventureuse à travers le monde; en Afrique, il apprend l'arabe et donne même des conférences sur le Coran.
Près d'Obock, les enfants d'aujourd'hui gardent le souvenir que c'est à cet endroit que "Rambo" (sic) venait cacher ses armes.
L'image que Rimbaud a laissé de lui auprès des indigènes n'est apparemment guère flatteuse. Nous en apprendrons le motif plus tard dans le livre.
En attendant, Courtois nous entraîne à sa suite à la rencontre des Africains ou des exilés européens, qui le guident à la recherche du poète, ou l'initient au rituel de leur vie.
En compagnie de l'auteur et d'Ali, nous apprenons à mâcher du qat, à boire du thé ou du café toute la journée, à lâcher prise !
Nous rencontrons successivement Ali à Tadjoura, Yanit la belle jeune femme travaillant à Dire Dawa, Salomon le juif Rastafari d'Abadir ou Ahmed l'Egyptien et tant d'autres autochtones serviables...
A l'instar de Courtois (et de Rimbaud avant lui), nous comprenons que "le voyage permet de ralentir le temps". Nous vivons au même rythme lent, presque contemplatif de ces Africains de la Corne d'Afrique si mystérieuse où la chaleur est accablante : "chaque geste demande un effort surhumain, une patience sans limites..." (page 82).
On apprend mille et unes choses surprenantes sur les Ethiopiens : les habitants laissent de grandes ouvertures au niveau du sol pour laisser passer les hyènes qui nettoient leurs ordures ; le Bateau ivre a été traduit en éthiopien; le mot "ennui" n'existe pas dans cette langue...
A Harar, l'auteur rencontre le français Jean-Michel qui fait des recherches sur Rimbaud et lui apprend que celui-ci s'est fait graver un sceau au nom d'Abdallah Rimbo (page 143). Au fil des expériences qu'il vit durant son périple, des questions s'imposent à son esprit : Rimbaud s'est-il converti à l'islam ? a-t-il assisté comme lui à Harar à des soirées soufies ? avait-il une femme dans sa vie ? La seule chose sûre, c'est que le poète rebelle a été menacé de mort et d'expulsion après qu'il eut empoisonné des chiens; en effet, ce poison risquait de tuer également les hyènes, ces animaux sacrés pour les Ethiopiens...
En compagnie de Jean-Michel et de sa femme éthiopienne Sinédu, Courtois part en Toyota sur la piste d'Ogaden, à l'instar de Rimbaud. Or cette région est interdite, comme au temps du poète. Ils sont arrêtés, passent tous les trois plusieurs jours sous la garde de soldats qui les prennent pour des espions (page 162).
Courtois repart seul. Et à pied.
"La marche donne la mesure du voyage. Un tempo intérieur." (page 133)
Mais ce périple à pied peut s'avérer plein de périls : un matin, l'auteur se réveille dans le lit d'un hôtel à Awash sans se souvenir de la manière dont il y a atteri (il en conclut qu'il a dû s'effondrer en chemin); après l'épisode d'Ogaden, quand il chemine sur la route du Gondar, il est finalement recueilli par des moines alors que ses réserves en eau et en nourriture sont épuisées !
Après encore bien des rencontres, l'auteur finit son voyage à Alexandrie, là où Rimbaud avait commencé le sien.
Pour conclure, j'ai beaucoup aimé découvrir ce récit de voyage, les introspections de l'auteur qui tente, en mettant ses traces dans celles de Rimbaud, de deviner les ressentis du poète parti avant lui à la découverte de ce pays aride. On est immergé dans cette civilisation dont les mille et un gestes du quotidien semblent immuables, on apprend à prendre notre temps, à laisser nos pensées vagabonder... C'était agréable et très dépaysant... même si parfois je me suis sentie un peu perdue par les aller-retours de Courtois entre le passé et le présent...
Merci aux éditions du NiL et à Livraddict pour cette découverte !
Appréciation :
c'est une jolie découverte que ce livre qui entre dans ma liste d'envies ;) Le sous titre m'a tout de suite interpelée mais comme on sait peu de choses de la vie de Rimbaud en Afrique je me demandais ce que l'auteur pouvait bien raconter !
RépondreSupprimerC'est effectivement une lecture plutôt envoûtante... même si l'on se sent frustrée de ne pas en apprendre davantage sur la vie de Rimbaud en Afrique... Les informations que Courtois nous en donne sont somme toute assez parcellaires... Dommage !
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